Denis Bonzy

Jean Luc Mélenchon et son université d’été à Grenoble : l’hiver de la « pensée »

Le populisme de gauche progresse lui aussi. Mélenchon le cultive. Il y parvient assez bien comme si la crise devait récompenser l'ère des braillards qui, sans contenu, considèrent surtout que la victoire arrivera à celui qui crie le plus fort.

La crise économique : pas de problème. Il suffit de prendre l'argent où il est et il y en a encore plus qu'on pense.

L'insécurité : pas de problème. Il suffit de mieux écouter la misère et de lutter contre les injustices sociales.

Le chômage : pas de problème. Il suffit d'interdire les licenciements et d'obliger à recruter dans le secteur para-public.

La Villeneuve : pas de problème. C'est la "faute à Carignon". Carignon, ancien Maire de Grenoble, n'est plus au pouvoir depuis 1995, soit 15 ans déjà. Lui imputer la Villeneuve c'est aussi au passage dénoncer son successeur qui n'aurait rien fait pour corriger une situation problématique à supposer qu'elle l'ait été en 1995. Mais cette contradiction n'effleure pas l'orateur.

L'enjeu n'est pas de résoudre un problème mais d'agiter des chiffons rouges. C'est la culture du "je suis le chef donc je les suis". Mélenchon sait ce que les militants veulent entendre et ils compose le plat sur mesure sans économiser les contradictions, sans peser les arguments, sans épargner les attaques inutiles.

Le spectacle avait été précédé par une opération de collage dans le secteur Nord Est de la Ville de Grenoble. Des affiches qui insultent le Président de la République avec son nom accolé à des jurons … Une opération conduite dans l'indifférence la plus totale du parti supposé défendre la politique présidentielle puisque sa fédération locale (l'UMP 38) a pour l'instant une seule préoccupation : compter et décompter les cartes avant les élections internes de fin octobre… Elle avait déjà été démobilisée pour la venue du Chef de l'Etat fin juillet alors Mélenchon pouvait coller à loisir dans son indifférence la plus totale.

Voilà l'ambiance d'une université d'été d'un "leader" qui se veut le moteur de la "nouvelle gauche" en 2012 : la gauche déteste la droite mais il lui reste à démontrer qu'elle peut supporter ses plus proches voisins, surtout quand ils ont le profil de Mélenchon. Cette cohabitation méritera l'attention.

Commentaires

4 réponses à « Jean Luc Mélenchon et son université d’été à Grenoble : l’hiver de la « pensée » »

  1. Avatar de Pat
    Pat

    Juste en passant, parce qu’on vous montre le ciel et que vous semblez regarder le doigt, écoutez un peu ce qu’un intellectuel très féru de questions financières, sociales et économiques dit à propos de la consommation:
    http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/parenthese/index.php?id=93842
    Paul Jorion invité par Laurence Luret dans
    Parenthèses le 24 juillet 2010 sur le thème:
    Et si nous étions à la croisée des chemins ?
    « […]la seule manière de relancer véritablement une consommation – et une consommation il faut aussi dire ce que c’est il ne faut retomber dans les excès qu’on a connus parce qu’on a un monde où on gaspille beaucoup nos propres ressources et notre énergie- pour relancer ça il faut que les salaires soient plus élevés, ça ne sert à rien de permettre aux gens d’avoir de plus en plus de crédits parce que le crédits il faudra bien les rembourser un jour, et il faudra donc un salaire un jour pour rembourser du crédit.
    Alors ce qu’il faut faire dit monsieur Arthus il faut augmenter tout de suite les salaires de 20%, et il ajoute – il ajoute !: « on pourra pas le faire parce que c’est impossible ». Mais moi à la différence de lui parce que je ne travaille pas dans une banque, je peux dire si si c’est ça qu’il faut faire, il faut augmenter les salaires de 20%. Bon alors il faut en même temps, parce qu’on ne peut pas faire ça dans le vide, parce que d’où viendrait l’argent, il faut en même temps créer un ordre monétaire, et un ordre monétaire qui ne soit pas celui qu’on connaît, c’est-à-dire celui où c’est la guerre de tout le monde contre tout le monde, parce que c’est ça qu’on voit, l’euro ne va pas bien il faudrait que le dollar l’aide non que fait le dollar, le dollar le pousse à la chute. Il faut un ordre monétaire international fondé sur une relation pacifiée, plus paisible entre les nations, pour ça il faut s’organiser, il faut faire quelque chose de l’ordre de ce que John Maynard Keynes avait proposé en 1944 à Bretton Woods, il faut un nouveau Bretton Woods.[…] »
    Vous avez quelque chose à proposer vous, d’autre que la mise en concurrence des travailleurs, la mise en concurrence des Etats, de leurs monnaies, de leurs sociétés, et pour le plus grand bonheur des poches des spéculateurs patentés?
    Libre à vous de creuser le programme des politiques, au-delà des histoires de personnalité, il se pourrait que vous compreniez que certains ont davantage pris la mesure de ce qui se joue et de contre quoi il faut se mobiliser et de vers quoi il faut tendre.
    Pour ma part, quand je regarde le programme du PG, je vois qu’il est au moins question de refuser que la finance ne continue à nous mener par le bout du nez, qu’il est temps que le politique reprenne la main sur les questions économiques, de façon à ce que l’économie REELLE reprenne le pas sur l’économie financière, et que l’économie promeuve ce qui fait sa raison d’être: utiliser les ressources rares en vue de satisfaire au mieux les besoins des individus et des sociétés. Pas les monter les uns contre les autres. Et d’ailleurs, surtout pas dans une quête de boucs émissaires.
    Qu’il s’agisse des Roms ou des Grecs à l’échelle de cette Europe qui tourne le dos aux siens, qu’il s’agisse des Sans-Papiers à toutes les échelles d’un monde globalisé qui pille les ressources des sociétés condamnées à se jeter sur les routes pour trouver à survivre, qu’il s’agisse de tous les corps de la société française à chacun son tour, dès qu’il s’agit de détourner l’attention des vrais problèmes.
    A bon entendeur…

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  2. Avatar de Tomgu

    @ Pat
    Je vous rejoins globalement sur votre position.
    Trois remarques néanmoins :
    – Je regrette que Mélenchon soit tant dans l’antisarkozysme. Arrêtons de critiquer sans cesse le président (même s’il le mérite) et attardons nous plutôt sur le fond des choses.
    – Je trouve que Mélenchon et le PG se coupent d’une partie des Français (dont moi-même) en se ayant un discours caricatural de l’extrême gauche : vive l’immigration, à mort les patrons, toujours plus de moyens, la sécurité ne s’explique que par le contexte social.
    – Concernant les réformes du capitalisme, de la finance …, il est utopique de croire que cela sera possible dans le cadre européen actuel. Je crois donc que le PG doit insister davantage sur la question européenne qui me semble être aujourd’hui la source d’un certain nombre de nos problèmes.
    Cordialement

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  3. Avatar de denis bonzy
    denis bonzy

    @ Pat et @ Tomgu
    Je ne partage pas vos analyses ci-dessus, mais pas du tout.
    J’ai bcp d’estime pour M. Dupont d’Aignan qui est cohérent dans le temps avec une expression très courageuse donnant la priorité à ses convictions sur les intérêts de sa carrière personnelle. Il est l’un des plus brillants de sa génération et il ne court pas les maroquins mais défend dans la durée des idées solides avec lesquelles il est possible de ne pas être d’accord mais qui sont ancrées dans des raisonnements durables.
    En revanche, je suis très déçu par M. Mélenchon parce qu’il ne dépasse pas le cap du diagnostic et que surtout il n’applique pas à son camp les principes qu’il énonce.
    Bine sûr qu’il faut dénoncer la spirale financière. Mais pourquoi la gauche, à la différence des USA, ne lance pas une commission d’enquête sur la crise d’octobre 2008 ?
    Bien sûr qu’il faut moraliser mais pourquoi le PG ne dénonce-t-il pas l’historique de l’Oréal, un temps nationalisé à la Libération pour fait de collaboration, qui a été l’entreprise de recyclage des parcours professionnels des collabos puis des financements politiques dont ceux de F. Mitterrand … au moment où l’on fait maintenant semblant de découvrir que l’Oréal prendrait naissance avec les « financements Sarkozy » …
    Les « grands principes » toujours appliqués … aux autres : c’est une culture où la vie politique française a déjà bcp donné. Que Mélenchon passe aux actes et à des actes appliqués de façon uniforme, il gagnera alors la crédibilité qu’il est en train de perdre.

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  4. Avatar de Tomgu

    @ Denis Bonzy
    Je ne peux qu’abonder dans votre sens concernant vos propos sur Nicolas Dupont-Aignan.
    A propos de Mélenchon, je dois avouer que je reste sur ma faim s’agissant de son parti. J’ai l’impression qu’il a entamé une course à l’extrême gauche afin de vampiriser, même de manière inconsciente, le PCF et le NPA. Cela le conduit donc à se radicaliser dans ses discours, à tomber dans la contestation stérile et au final à délaisser le côté républicain que j’apprécie(iais) chez lui.

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