Denis Bonzy

Catégorie : International

  • Avoir le courage de valeurs fortes

    Obama 16 05 16

    Hier Barack Obama participait à la remise des diplômes de l'Université Rutgers dans le New Jersey. Et une fois de plus, Barack Obama a effectué un discours remarquable montrant par comparaison l'immensité du vide des discours de ses successeurs potentiels comme du vide dans d'autres pays à l'exemple de la France.

    Qu'a-t-il déclaré pour l'essentiel ?

    1) Il a critiqué les étudiants de cette Université qui, en 2014, avaient protesté et fait annuler la venue de la républicaine Condoleezza Rice, l’ex-secrétaire d’Etat du Président George W. Bush, en raison de son rôle dans le déclenchement de la guerre d’Irak.

    «Il est à mon avis malavisé de croire que cette communauté ou ce pays ne puisse rien tirer de son intervention, et qu’il soit bénéfique de ne pas lui donner la parole», a indiqué Barack Obama.

    2) «En politique comme dans la vie, l’ignorance n’est pas une vertu. Ce n’est pas cool de ne pas savoir de quoi vous parlez. Cela n’a rien à voir avec être franc ou dire la vérité ou lutter contre le politiquement correct. C’est juste que vous ne savez pas ce que vous dîtes».  Belle réaction face à une ambiance de populisme où énoncer des banalités de cafés du commerce deviendrait le marqueur d'un discours vrai. C'est la tentation de la politique comme dîner de cons.

    3) Mais surtout, Obama a remis en question la "mode du retour au passé". Le passé n'était un "âge d'or", c'était aussi le temps des discriminations raciales les plus radicales, la pauvreté ou la place réduite des femmes dans la société …

    Une fois de plus, Barack Obama a montré le leadership que peu de responsables politiques manifestent actuellement dans des circonstances difficiles. Ce n'est pas le suivisme qui permettra de sortir de la crise mais le courage de valeurs fortes destinées à faire réfléchir et progresser chacun.

     

     

  • Quand copier avec retard devient en France symbole … d’innovation et de progrès

    Obama 2 13 05 16

    La lecture de l'Express cette semaine montre, si besoin était, l'immensité du vide politique en France. De quoi est-il question ? 10 pages sur Emmanuel Macron avec un thème majeur "Macron va innover en 2017 puisqu'il se prépare à faire la campagne Obama de 2008". 

    Il y a des moments où le sujet porte en lui-même des contradictions qui devraient sauter aux yeux des rédacteurs. Comment est-il possible d'innover en … copiant ? Et comment est-il possible de "faire neuf" en reprenant des méthodes mises en oeuvre 8 ans plus tôt ? 

    C'est une caricature des mots détachés de leur sens véritable.

    Innover, c'est mettre en oeuvre quelques chose de nouveau. Par conséquent, par définition, reprendre des méthodes déjà actionnées ne constitue pas une innovation.

    Et quand "l'innovation" réside dans le porte à porte (avec certes un fichage informatique adapté aux moyens modernes), il y a un décalage qui grandit. Dans le tissu urbain, il y a aujourd'hui des quartiers avec frontières quasi-impénétrables, des allées d'immeubles impossibles. Puis des portes qui restent fermées par effet du travail donc de l'absence des occupants quand ce n'est pas le refus d'ouvrir la porte par peur de tout visage inconnu.

    Tout le parisianisme est résumé dans un tel reportage : s'enflammer pour des mots vidés de leur sens pour des méthodes qui ne correspondent plus à la gravité des faits.

    Faire une "campagne Obama" en France comme lui en 2008 aux Etats-Unis c'est inventer une méthode encore jamais mise en oeuvre. Un autre défi. C'est aussi, voire surtout, l'audace de prendre le risque de s'engager dans un combat très difficile et non pas en marche avant puis en marche arrière …

    L'innovation pour 2017 en France attend encore son auteur. Significatif et dommageable à la fois.

     

  • Entre le ticket pour l’oubli et le ticket pour … l’usure

    SMP guide 2

    Il y a 30 ans déjà à quelques semaines près, dans la foulée de cours que je donnais alors sur le marketing public, je publiais un guide des campagnes électorales que Libération présentait alors comme "l'équivalent des annales du Bac pour un candidat à une élection". L'opération d'édition la plus rentable que j'ai connue car les onglets en bordure de chaque page comme un fin tramé en coeur de pages rendaient impossible toute photocopie sans perdre des pans entiers de textes … 

    Guide SMP 3

    A cette époque, l'enjeu était dans la cohérence du positionnement. Ce qui est intellectuellement passionnant. Identifier une demande et construire avec patience son offre. D'où l'importance à cette époque des sondages pour bien analyser les enjeux de fond.

    Dernièrement, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt la contribution d'une ex-collaboratrice de Raph Nader expliquant pourquoi la campagne de Bernie Sanders à la différence de celle de Trump était voué à … l'échec !

    Parmi de nombreuses observations techniques intéressantes, une remarque clef : désormais en politique, l'enjeu est d'abord de gérer son exposition pour éviter l'oubli et l'usure. 

    L'oubli est le danger n°1 parce que le flux excessif d'informations a fait naître une génération amnésique. La durée de mémoire collective est d'une semaine. Chaque événement chasse l'autre. Donc l'oubli guette en permanence.

    Pour éviter l'oubli, il faut s'exposer. Mais s'exposer sans s'user. Donc sans trop se répéter. Là avait été le vrai talent de Trump : "avoir mis le feu à toute la prairie". Trump s'est exposé sans s'user puisqu'il a mis le feu à la quasi-totalité des sujets politiques. Il a "parcouru toute la prairie", tout l'espace politique, et il en a modifié les règles, les repères …

    Il fallait de l'audace, voire de l'inconscience (?). Il a eu cette audace. Il a gagné la première étape.

    C'est finalement, ce qui manque en France, des candidats qui ont l'audace de "mettre le feu à toute la prairie" … pour gérer leur exposition en évitant l'oubli et sans s'user pour autant. Et pourtant, il y aurait matière …

  • Wanted#bonsplans : le tournant de l’économie collaborative

    Wanted

    Le périmètre de l'autonomie des citoyens s'élargit en permanence. Hébergements, déplacements … ont été les premiers domaines. Le succès de Wanted#bonsplans marque une étape supplémentaire puisque le conseil direct est général. L'idée est simple : profiter des bons conseils de tous les membres d'une communauté.

    Les questions sont les plus diverses. C'est très pratique. Chaque jour, des demandes sont postées pour vendre des objets, pour demander un conseil, pour trouver un restaurant où aller dîner …. 

    Tout repose sur la volonté d'entraide des membres de la communauté. Sur Bordeaux, cette opération fonctionne très bien. D'autres groupes ont déjà vu le jour à Lyon, Marseille, Toulouse, Londres et New York.

    Des groupes thématiques sont envisagés.

    Pourquoi cela fonctionne bien ? Parce que la période est à la crédibilité de la réponse des pairs. En dehors des métiers techniques, la société se prépare à s'organiser de façon autonome, sans intermédiaire. L'intermédiaire a perdu sa "valeur ajoutée". Son conseil est entouré de suspicions : pourquoi, quel prix …

    C'est une évolution qui n'est pas exemple de dangers : pourquoi la réponse donnée par un inconnu serait-elle de meilleure qualité que celle donnée par un professionnel ? Il n'y a pas de critère technique fiable permettant de fonder une telle évolution. Mais elle est là. C'est aussi une étape de plus vers une économie qui permet des économies. Puisque ce conseil du pair est gratuit. 

    Les détracteurs disent que cette économie collaborative est "l'économie du vide grenier". C'est à la fois dédaigneux et irrespectueux de la réalité du phénomène. Il s'agit bien d'un phénomène et en France il est lancé avec vitalité. Les conséquences sur l'économie classique seront considérables à terme. Il en sera de même sur la politique. Parce que le consommateur qui gagne en autonomie est aussi un citoyen qui est prêt à se passer des intermédiaires …

  • Gouverner est-ce se dissoudre ?

    Bush senior

    Aux Etats-Unis, les campagnes négatives sont bien plus féroces qu'en France. Et dans ce cadre, ce sont les images qui impactent davantage que les mots. En 1992, lors d'un séjour aux Etats-Unis, j'avais pris connaissance d'un magazine qui avait réalisé un bilan féroce du "père Bush". 14 pages pour énoncer les 1 000 raisons de ne plus voter Bush senior. Les raisons sont numérotées, une à une. Et les raisons consistent à montrer que Bush senior n'a pas respecté ses engagements. Et page après page, Bush senior efface son portrait avec la gomme de son crayon. C'est implacable. A la fin, Bush senior s'est gommé. Il ne reste plus rien de visible, de réellement perceptible. J'ai mis de côté ce magazine dont est extraite la photo ci-dessus. C'était l'une des présentations les plus implacables de l'échec d'un bilan.

    Et si gouverner c'était se dissoudre, se gommer ?

    Que reste-t-il à la fin d'une semaine ? A la fin d'un mois ? Donc pire, à la fin de plusieurs années ? Une immense confusion. Hier, avec le bilan des 4 ans de Hollande, qu'ont mis en relief les médias en dehors des échecs et de l'impopularité ?

    C'est cette confusion qui fragilise la gouvernance publique et qui valorise la gouvernance privée. La première devient aléatoire, contradictoire, éphémère. La seconde se charge d'efficacité, de durée, de clarté. C'est presque l'inversion des appréciations d'antan.

    C'est ce qui assèche la gouvernance publique de ses jeunes talents. Patagonia, Tompkins … ne font-ils pas davantage pour le climat que l'accord de papier de la COP21 aux effets pratiques toujours incertains ? 

    Tant que cette question demeurera, la vie publique traversera une période très difficile à tous égards : profils des candidats, taux de votation, taux de participation civique entre deux scrutins … Parce que le centre d'utilité s'est transféré.

     

  • Quand l’échec est inscrit dans la nature

    Alberta incendies 2 06 05 16

    Les actuels incendies dans l'Alberta (Canada) mettent en évidence un décalage que l'opinion peine de plus en plus à accepter. D'un côté, des moyens techniques et l'intelligence collective pour prévoir de plus en plus loin avec de plus en plus de détails et de justesse. D'un autre côté, la gouvernance publique "à la petite semaine" dans l'immédiat et dans l'éphémère.

    En Alberta, l'une des plus belles régions au monde, la question de l'organisation des villes dans des espaces forestiers a été posée et traitée de longue date. Dès 1998, un programme FireSmart a été mis en oeuvre avec des chercheurs canadiens et américains. Il a effectué des propositions très précises, nombreuses, détaillées pour prévenir et limiter les dégâts. Mais ce programme n'a pas été mis en oeuvre.

    Si bien qu'à la sortie des actuels incendies, les annonces de règlements de comptes vis à vis des politiques menées ces dernières décennies seront musclées.

    Derrière ce sujet, c'est tout le sens de la gouvernance publique qui accepte d'être trop soumise au quotidien et de ne pas traiter des sujets de fond jusqu'au jour où les faits se vengent.

    Avec le réchauffement climatique, il y a des échecs nombreux et graves qui sont désormais inscrits dans la nature : rupture d'alimentation en eau, conflits d'usages en période sèche faute de retenues d'eau (alimentation humaine / étiages des cours d'eau / agriculture …), entretien des forêts pour éviter des incendies dévastateurs, objets connectés pour surveiller le 5ème âge à domicile…

    Le réchauffement climatique avance. Mais il est le seul à avancer. Le reste ne bouge pas. Les urgences des prochaines générations vont s'avérer une sacrée liste …

    Climat chaleur graphe 20 01 16

  • Le vrai tournant actuel : le pouvoir change de sexe

    La crise économique durable va emporter avec elle une génération de responsables politiques caricatures de machisme avec l'emphase, l'enflure du siècle dernier, cette fausse gravité qui est le "bouclier de sots" selon la si vraie formule de Montesquieu. Tout en douceur, le vrai tournant actuel : le pouvoir change de sexe.

    Poser cette affirmation ne signifie pas seulement que le pouvoir passerait des hommes aux femmes. Il signifie aussi, voire surtout, que le pouvoir passe à des femmes qui vivent le pouvoir comme femmes et non plus comme "apprentis hommes". 

    Il suffit de regarder autour de soi.

    Aux Etats-Unis, Hillary Clinton s'approche de la présidence comme jamais une femme ne l'a fait. Sa directrice de campagne est une … femme : Huma Abedin.

    Huma Abedin 01 07 15

    Pour se réconcilier avec les femmes, Trump sera contraint de prendre une femme sur le ticket républicain. Sa fille Ivanka Trump a joué un rôle très important ces dernières semaines dans la campagne de son père.

    Jamais les femmes n'auront donc été aussi présentes dans le duel d'une présidentielle américaine.

    Au Canada, le chef du parti d'opposition est une femme : Rona Ambrose. Et le Parti Québécois va probablement passer dans les mains d'une femme : Véronique Hivon.

    Rona Ambrose 04 05 16

    En Espagne, une femme dirige l'une des capitales européennes les plus dynamiques : Madrid dont le Maire est Manuela Carmena. Le parti montant (Ciudadanos) a pour vedette aux côtés de Alberto Rivera une femme : Begona Villacis.

    Begona Villacis bis

    Une fois de plus, la France a du retard. La plus belle et réelle fonction de pouvoir est assumée par Anne Hidalgo à la tête de la mairie de Paris ou Valérie Pécresse à la région Ile de France. 

    En réalité, quand le pouvoir change de sexe, c'est surtout parce le nouveau sexe change le pouvoir. Il devient plus concret, plus quotidien, moins dogmatique. Il y a une séduction ambiante qui détend les crises, qui installe un rapport moins guerrier. 

    C'est le refus des mimétismes avec le pouvoir d'hier. 

    C'est le tournant en cours le plus intéressant actuellement.

  • Quand la comparaison dans le temps a de quoi inquiéter …

    Waterton.Lakes.National.Park.original.1407
    Pour ne pas être prisonnier de "l'air du temps" avec tous les commentateurs qui ont le "nez sur le guidon", la bonne méthode me semble être sur un même thème de se plonger dans des témoignages écrits espacés dans le temps. C'est pourquoi, pour des sujets qui me tiennent à coeur, j'ai toujours veillé à rattraper des témoignages d'il y a 40 ou 50 ans. Dans le domaine de l'information géographique qui m'intéresse beaucoup, l'échec des parcs naturels français est saisissant. La décentralisation a été le tombeau de cette initiative intéressante à l'origine.

    On s'aperçoit de trois phénomènes intéressants :

    1) le décrochage manifeste dans ce domaine des initiatives françaises par rapport à des initiatives étrangères tout particulièrement en Amérique du Nord. Globalement, la France perd du terrain. Je comparais un reportage récent sur Waterton Glacier (Canada) avec un reportage dans cette revue datant de 60 ans. On constate un progrès considérable. Immense sur de nombreux points importants.

    National Geographic mai 1956

    2) A l'opposé, en France, la décentralisation a été la bouée de sauvetage ponctuelle à la fin des années 80 au moment où l'Etat commençait à décrocher. Quand l'Etat régionalisait ou départementalisait un dossier, il lui accordait une survie à cette époque : parcs naturels, lycées, collèges, TER …,

    3) et maintenant c'est le décrochage généralisé. L'Etat s'est

    (suite…)

  • 2017 : 44 candidats déjà !

    Primaires 2 20 01 16

    La revanche de l'histoire sur certaines postures collectives ou individuelles est implacable parfois. Pendant des décennies, les français dont les observateurs politiques se sont moqués des américains avec leurs primaires aux 20 candidats en moyenne. Les Etats-Unis représentent en gros 5 fois la population française. Et aujourd'hui avec déjà 44 candidats publiquement déclarés pour 2017 (toutes sensibilités confondues) en France (selon le décompte officiel dressé ce jour par le quotidien Sud Ouest de façon très méticuleuse), cela signifie que les Etats-Unis devraient connaître des primaires avec …. 220 candidats.

    Que 44 personnes s'engagent dans la course présidentielle 2017 (et ce chiffre n'est pas fini) mérite une interprétation. Après une divinisation excessive pour partie ridicule de la fonction présidentielle française, c'est la banalisation la plus totale et donc la course au "pourquoi pas moi …?". Peut-être le vrai succès de la présidence Hollande dans son axe sur la "présidence normale" !

  • Ne pas confondre politique et personnel politique …

    Obama 2 13 01 16

    Le sondage du Parisien aujourd'hui sur les idoles des Français de 15 à 20 ans est très intéressant. Obama arrive en seconde position tandis que les politiciens français sont dans les … 3 dernières positions. En 2 classements, tout est résumé. La jeunesse française n'est pas fâchée avec la politique mais elle est fâchée avec les actuels politiciens, ce qui est très différent.

    Pourquoi est-elle fâchée ? Parce qu'avec beaucoup de bon sens, elle est lassée des polémiques permanentes, de voir toujours les mêmes au pouvoir avec alternance, de constater que rien n'est résolu, de subir la logique punitive généralisée qui s'est installée en France … bref, tout ce que chacun supporte de moins en moins.

    Pour les jeunes et je le constate lors de fréquentes discussions, Obama c'est un autre univers : le sourire, la cool attitude, la décontraction …

    Voilà une enquête très rassurante. Elle conforte l'appréciation qui était la mienne lors de conférences sur la politique américaine et les campagnes Obama : un niveau très élevé de curiosité et d'intérêt. Un marqueur positif pour l'avenir.

    Barack Obama 2 09 06 15