Denis Bonzy

Catégorie : International

  • Politique : à quand le retour de la vérité et du sens des mots ?

    Trump 06 11 16

    La victoire de Trump, c'est d'abord la défaite de la vérité et la défaite du sens des mots. La vérité existe y compris en politique. Elle existe pas seulement en matière économique ou scientifique. En politique, la vérité c'est quoi ? C'est respecter des faits à la matérialité établie.

    Prenons des exemples concrets :

    1) Trump dit être "neuf en politique". C'est faux. En 1988, il candidate auprès de Bush senior pour entrer dans son équipe. En 1999, il envisage de se présenter à la présidentielle sous l'étiquette du "parti de la réforme" de Ross Perot. Sa candidature est sondée. Il fait moins de 5 % et se retire. En 2008, il finance officiellement Hillary Clinton dans la primaire démocrate et quand il voit que Barack Obama va gagner il lance la campagne du certificat de naissance pour contester à Obama la qualité juridique à candidater. En 2012, il hésite contre Romney (ses vidéos sont toujours accessibles sur YouTube). 

    Trump est tout sauf neuf en politique.

    2) Il dit ne pas appartenir à l'establishment. Mais par sa profession (immobilier), c'est aux Etats-Unis le métier où les liaisons dangereuses entre l'économie et la politique sont les plus étroites.

    Il fait partie de l'establishment.

    3) Il a développé la promesse du "succès contagieux". Mais personne ne connait la réalité de son succès. Il a refusé de publier sa feuille d'impôts. Et les analystes parlent d'abord de l'endettement colossal de son groupe en milliards de dollars certes avec des actifs en contrepartie mais avec un endettement record dont des montants considérables "effacés" par des étapes de mises en faillites. 

    4) Il fait toute sa campagne des primaires sur le thème "comme je finance ma campagne, je suis libre de mon expression à la différence des autres candidats". C'est faux. Trump ouvre une ligne de crédit au profit de son comité de financement. Il lui facture la mise à disposition de matériels, de locaux … Mais il n'exige pas le paiement immédiat. Ce n'est qu'en fonction des disponibilités de son comité de financement qu'il se rembourse. Il y aurait eu financement par Trump s'il avait versé un montant. Il ne l'a jamais fait. Des remboursements ont déjà eu lieu. Donc des financements par des tiers. Si bien qu'il y a trois semaines, Tom Barrack, l'un de ses gros financiers, était dans l'incapacité de donner un montant de la contribution personnelle de Trump à sa campagne.

    Quand la vérité de faits établis n'a plus de défenseur, le mensonge ou l'illusion peuvent s'installer en toute tranquillité. 

    Il en est de même pour le sens des mots. Il a fallu attendre le 22 octobre 2016 pour que Trump sorte des vagues formules pour présenter des mesures concrètes.

    Que dit-il le 22 octobre 2016 ?

    1) "le réchauffement climatique n'existe pas" : toutes les études scientifiques prouvent le contraire. Sur ce plan là, Trump n'est pas contredit sérieusement. Bien davantage, il s'engage dans les 1ers 100 jours à supprimer les aides annuelles des Etats-Unis au fonds des Nations Unies contre le réchauffement climatique. L'un des pays les plus gros pollueurs au monde sort du cycle des solutions, c'est tout l'édifice qui s'effondre,

    2) il se dit "protectionniste". Il est isolationniste, ce qui est très différent. Il annonce expulser "immédiatement" 2 millions d'immigrants ayant fait l'objet de peines de prison vers leurs pays d'origine et si le pays d'origine ne les accueille pas, il supprime les visas pour tous les citoyens du pays concerné. Pour les clandestins qu'il estime à 11 millions, il annonce les expulsions immédiates avec un minimum de 2 ans de prison dans le cadre d'une sanction fédérale en cas de retour. Dans les deux cas, c'est impossible à gérer.

    Et la liste des mesures "impossibles" est longue.

    Quand un vote intervient sans que des faits à la matérialité établie n'aient une place ni des mots n'aient un sens, il ne faut pas être surpris d'un résultat qui puisse échapper à toute raison. Parce que dans de telles circonstances, la raison avait quitté le champ du débat depuis longtemps déjà et sans le moindre défenseur pour la ré-introduire sérieusement. C'est sur ce dernier point que la crise est la plus grave.

  • La France deviendrait-elle une île ?

    Trump 06 11 16

    Pendant des années, j'ai pratiqué les enquêtes d'opinion. Je les ai organisées. Etudiées. Enseignées. A la lumière de cette expérience, je ne vois pas comment l'opinion publique française pourrait actuellement devenir "centriste" au moment où les radicalisés gagnent du terrain partout. Dans aucun pays démocratique, une situation de crise économique durable (8 ans à ce jour soit une séquence temps énorme !), exposé à des confrontations violentes (terrorisme, choc des identités …), secoué par des remises en question de ses dispositifs de protection sociale (régimes santé, retraites) et constatant une classe politique décrédibilisée n'accouche d'un vote modéré, "centriste". C'est du jamais vu. Quand il y a autant de raisons objectives de colères, la colère s'exprime et jamais dans la modération ! 

    Jamais vu ni dans l'histoire ni dans le présent.

    Dans le présent, toutes les élections sont marquées par une radicalité nouvelle :

    1) Trump a fait sauter les frontières du "politiquement correct" aux Etats-Unis. Même avec une "campagne catastrophe" il va terminer au pire à moins de 5 points de sa concurrente. Une faiblesse d'écart qui mérite la réflexion,

    2) En Italie, en juin 2016, le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo a gagné des "villes capitales" dont Rome,

    3) A Madrid, Podemos a gagné la ville et le pays n'a pas de majorité parlementaire en raison de l'explosion de ses forces politiques,

    4) A l'Est, les partis dits "populistes" gagnent,

    5) Dans les pays du Nord, les mêmes partis progressent considérablement,

    … : et en France la majorité se ferait dans la modération au centre …

    Pour qu'il en soit ainsi il faudrait que la France devienne une île. Ce qu'elle n'est pas et n'a jamais été. Il faut se méfier des radicalisations rentrées. Quand elles s'expriment c'est avec encore davantage de violence. A ne pas vouloir engager des actes visibles fort de refondation d'un système politique discrédité, les partis politiques français traditionnels jouent avec le feu. L'opinion publique française aime les "coups de sang". Les sondages ne les prévoient pas mais les élections les constatent.

  • Dans 48 heures, il sera plus difficile de dire du bien des Etats-Unis …

    Obama 04 04 16

    Les relations entre les Français et les Etats-Unis sont compliquées, rarement au beau fixe. De façon surprenante d'ailleurs par rapport à certains liens historiques étroits. Pendant les 8 dernières années, il y eu une génération particulière "les Obaméricains". Des Français qui d'ordinaire sont critiques vis à vis des Etats-Unis mais qui étaient sensibles au style Obama. Lui bien sûr. Elle encore plus. Une séduction qui a beaucoup compté sur le plan international après les années répulsives de la présidence Bush.

    Dans 48 heures, en cas de victoire de Trump, l'américanophobie française vivra ses plus belles heures.

    Dans l'hypothèse d'un succès de Clinton, ce sera plus modéré. Mais un lien de charme sera rompu. Pour celles et ceux qui aiment les Etats-Unis, il leur reste donc 48 heures pour s'exprimer sans avoir à argumenter contre un flot de griefs. Une page se tourne réellement. Dommage.

  • Quand Obama donne une vraie leçon de démocratie

    Obama 15 10 16

    Les faits : Barack Obama donne un meeting le 4 novembre à Fayetteville en Caroline du Nord. Un supporter de Donald Trump présent dans l'assistance décide d'exhiber des pancartes à l'honneur de son candidat, perturbant ainsi le discours d'Obama. La foule se met à huer cet "opposant" d'un certain âge. Barack Obama défend le droit d'expression de l'opposant, le respect des personnes âgées et demande : "Ne huez pas, votez !".

    Toute la vraie démocratie est résumée par cette attitude. 

    Le rapport du leadership par rapport à des réactions de groupes. Le fait de ne pas attiser les oppositions alors qu'on voit si souvent des politiciens chauffer leurs militants mais s'entendre tellement bien en coulisses avec leurs supposés adversaires.

    Et surtout respecter l'engagement d'autrui. Une personne engagée mérite toujours un respect fort car l'attitude d'indifférence est si coupable face aux défis du moment.

  • J – 03 : l’élection qui ne peut susciter de l’indifférence

    Les Affiches 05 11 16

    C'est toujours délicat d'évoquer un article auquel on a été invité à participer. Mais pour autant pourquoi ne pas exprimer la satisfaction d'avoir contribué modestement à donner un éclairage sur une élection qui ne peut susciter de l'indifférence ? Le dossier réalisé cette semaine par Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné est particulièrement utile sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, comment serait-il possible d'ignorer le scrutin du 8 novembre ? C'est impossible compte tenu de l'importance des Etats-Unis dans les grands sujets internationaux : guerres, climat … Sur la forme, c'est un choix éditorial très judicieux que de répartir l'explication du scrutin, le volet économique et la comparaison avec la France. 

    Plus cette élection avance, plus chacun prend conscience d'un mécanisme redoutable qui a été enclenché lors des primaires : accepter que la course à la seule détestation ne s'installe à ce point extrême. L'affiche qui circule ci-dessous sur les réseaux sociaux illustre ce climat. C'est une réalité de plus particulièrement préoccupante parce que l'après 8 novembre s'annonce bien périlleux. Et ce n'était pas nécessaire dans les circonstances actuelles.

    Election US 05 11 16

  • 2008 ou le 4 novembre historique : que la démocratie est belle !

    Boston Nov 08 042

    Le 4 novembre 2008, sur la cote Est des Etats-Unis, le temps est frais mais beau. Dès l'ouverture des bureaux de votes, des files d'attente considérables patientent dans le calme pour voter. Des commerçants ont fermé leurs boutiques en affichant un panneau indiquant qu'ils sont allés … voter. Et souvent même en indiquant pour qui !

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    La veille au local de campagne d'Obama sur Boston, sur 3 étages, les militants se mobilisaient, téléphonaient, venaient chercher les derniers tracts pour arpenter les rues …

    Boston Nov 08 050

    A 23 heures (heure locale), le résultat tombe. Obama a obtenu 52 % des voix.  Dans la foulée immédiate, à Phoenix, McCain reconnait sa défaite et souhaite bonne chance au Président nouvellement élu. 

    Quelques minutes plus tard, à Chicago, au parc  Grant, devant 100 000 personnes, Obama prononce son discours de victoire. 

    Obama 2 victoire 2008

    Et dans les rues, c'est une liesse populaire considérable. 

    C'est le vote d'un rêve : le premier Président métis de l'histoire des Etats-Unis. Quel plus beau symbole d'intégration et surtout de démonstration que rien n'est impossible en raison de sa couleur de peau. Une belle présidence allait débuter. Dans de tels moments, que la démocratie est belle !

    Obama 2008 victoire

     

  • Avant ou déjà au début du déluge ?

    Espèces d'ours 2 13 10 16

    Le film documentaire de Dicaprio reçoit un accueil remarquable. Sur YouTube, pour la version en langue anglaise, plus de 6 millions de vues en 3 jours ! La version française est maintenant et enfin en ligne (voir ci-dessous). Le titre "Avant le déluge" est probablement optimiste. La réalité est davantage … "Au début du déluge". Des espèces animales disparaissent. Les glaces fondent de façon accélérée. La déforestation bat des records. La communauté internationale fait son cinéma mais sans mesure contraignante réellement. Le déluge est engagé. Ce film documentaire mérite l'attention. Car fondamentalement, c'est le récit d'une planète qui a décidé de courir vers sa destruction. Pour ce qui me concerne, mon choix à venir sera dicté lors de prochains votes par deux seuls critères : le choc des religions et les mesures pour l'environnement dont la cause animale. 

  • Un microcosme parisien hors sol

    Obama 24 08 16

    Paris doit vivre en lévitation. Un autre univers. Les laudateurs professionnels s'interrogent face à des chiffres qu'ils n'avaient pas vu venir. Mais aussi voire surtout, ils passent sous silence des faits qui sont lourds de significations. Poutine et Hollande se rencontrent. Pas à Paris mais à … Berlin. Obama va faire sa dernière tournée internationale du 18 au 20 novembre. A-t-il prévu de passer par Paris ? Non. Il passera par … Berlin où Hollande va se déplacer pour rencontrer Obama. Lors de ce qui était officiellement la "tournée européenne d'Obama", était-il déjà passé par Paris ? Non. 

    Paris n'est plus une une capitale politique internationale comme point de passage obligé. C'est Berlin.

    Le sondage à 4 % de satisfaction pour le bilan Hollande : les médias en font des tonnes. Mais la réalité, c'est que la page Hollande est déjà tournée. Quand une émission a ce thème, la province zappe. Plus de temps à perdre avec le "sujet Hollande jugé irrécupérable".

    Le livre sur les cadeaux des émirs aux politiciens français : pas un mot. Et pourtant quels scandales d'Etat que d'imaginer des responsables politiques quémander par SMS leurs chaussures ou leurs billets d'avions auprès de l'Ambassadeur du Qatar à Paris … 

    Le jour où le microcosme parisien reprendra goût aux réalités, les audiences des médias changeront et le climat démocratique y gagnera.

     

  • Les limites de l’empathie ou pire encore l’empathie sélective

    Main jeune et main vieille

    Le débat actuel sur les localisations de migrants est d'une irréalité caricaturale. D'abord, pendant des mois, il a été question de familles. Et là d'un coup, il n'est plus question que d'hommes. Où sont passés les femmes et les enfants ? Ou étaient-ils marginaux dès le départ ? Incohérence jamais évoquée. Question jamais posée donc réponse jamais donnée.

    Puis la mode médiatique est à la célébration des bons accueils. Malheur à ceux qui n'exposent pas leur coeur en bandoulière. Qui peut souhaiter la misère d'autrui ? Personne. Mais à cette empathie si démagogique, pourquoi ne pas poser la question sérieuse des personnes dont l'empathie du moment laisse aussi sur le bord de la route ? N'y a-t-il en France aucune misère en dehors de celle des migrants ou des réfugiés ? Si d'autres misères existent, à quel titre deviendraient-elles secondaires dans l'effort financier collectif et dans la mobilisation générale ? Quels critères pour hiérarchiser ? Qui a décidé de l'ordre des critères ? A partir de quels débats ? Quand l'opinion a été informée de ces critères et des raisons d'une sélection ?

    Dans de telles circonstances, il n'est plus question d'empathie c'est à dire de capacité à ressentir la détresse d'autrui mais d'une opération démagogique irresponsable. Il y a tant de détresses moins spectaculaires mais au moins aussi graves. 

    L'actuelle opération médiatico-politique est véritablement d'une irresponsabilité scandaleuse. Il n'y a pas de sécheresse de coeur à l'indiquer. Mais céder ainsi à ce "concert de pleureuses" qui choisissent les détresses à traiter et celles parfois tellement plus anciennes à ignorer est d'une démagogie inqualifiable. 

    Dans le livre sur les lettres de Mitterrand à Anne Pingeot, il y a un passage que la presse a peu relevé sur le "verbalisme ésotérique de cette espèce politique … " en parlant de la gauche française. "Si vous n'employez pas leurs formules, la famille socialiste fronce le sourcil et vous considère soit avec méfiance soit avec dédain …Je me désole de tant d'élans sincères vers la justice rongés par l'acide du sectarisme verbal ..." La lettre du 9 février 1964 est d'une actualité féroce pour la période actuelle. 

  • Une démocratie peut supporter combien d’hivers ?

    Trump 17 10 16

    Les Etats-Unis sont en train de vivre un épisode dramatique d'une élection présidentielle. Des scènes irréelles se banalisent comme l'entrée des médias conspués dans les réunions de Trump. Une primaire qui n'a pas joué sa fonction de vraie sélection c'est à dire l'étape où l'on va déjà tout connaitre sur les candidats. Combien d'hivers faut-il pour que l'opinion se dresse pour défendre d'abord ses droits à une démocratie digne de ce nom c'est à dire le nom d'une des plus belles conquêtes de la civilisation occidentale ? Et la France ne prend-elle pas le même chemin avec 6 mois d'écart ? Il y eut le "politiquement correct" ou la façon de bâillonner les débats au titre de la "pensée unique". La mondialisation et l'Europe ont été alors les armes de cette guerre contre les pensées dissidentes. Puis il y eut les mots interdits ou l'autocensure banalisée pour ne pas encourir la contre-ambiance. Et maintenant c'est au tour du "tout possible et surtout le pire" comme si le balancier devait vivre un autre extrême. 

    Mais que se passe-t-il le jour d'après ?  Les grandes puissances ont "beaucoup d'édredons" pour amortir les chocs. Mais la France n'appartient plus à ce groupe. Si elle vit une présidentielle à l'américaine c'est à dire en 2017 comme ce fut le cas pour eux en 2016, quels lendemains ? Qui va enfin rétablir de "justes équilibres" face à une présidence qui incarne le chaos et des partis politiques en proie aux règlements de comptes généralisés ? 

    Jusqu'où l'hiver doit-il imposer ses punitions pour que le sursaut se produise ? Au rythme des 15 derniers jours, l'inquiétude grandit de façon accélérée. L'accoutumance à l'impossible pour hier devrait quand même commencer à questionner sérieusement.