Le billet d'hier sur Cameron a suscité de nombreux commentaires. Sur Twitter @Franc-Tireur-fr et @LesBulles1 ont posé une question de fond : défendre Cameron est-ce défendre aussi la situation sociale de la Grande-Bretagne ?
C'est une question de fond qui impose une réponse précise donc bien au-delà des mots limités de Twitter.
La vraie pauvreté n'est pas seulement une situation matérielle, c'est avant tout un "statut où l'espoir est impossible". Le mot "statut" montre bien qu'il s'agit d'un état figé. C'est justement cette vraie pauvreté contre laquelle Cameron a lutté en apportant de la fluidité à la société.
Pour moi, aucune doctrine n'est parfaite ni une ennemie absolue. En revanche, la pauvreté devrait être une véritable ennemie parce qu'elle est contraire à la dignité et au progrès humains.
Pour lutter contre la pauvreté, quatre mesures pratiques sont incontournables.
1) Un enseignement public de qualité qui assure la non-reproduction mécanique des inégalités financières ou culturelles. Cet enseignement public, c'est le passeport pour l'avenir de chacun. Quand j'ai exercé des responsabilités publiques, cette priorité a toujours été la mienne avec des investissements scolaires reconnus.
Mais pour l'Etat, et là Cameron a raison, il faut rehausser le statut des enseignants et cela passe par des revalorisations salariales majeures. Aujourd'hui, la part financière d'un métier est forte. Pour attirer les meilleurs, il faut les payer. C'est une logique que l'Etat devrait assumer en révolutionnant la grille et les critères de rémunération dans l'enseignement.
2) Les 20 premières années ne doivent pas déterminer toute une vie. Par conséquent, le dispositif de la formation permanente comme les critères d'évolutions des carrières doivent permettre des deuxièmes et troisièmes chances constantes. Regardons les cursus dans les entreprises britanniques et allemandes et comparons les "sortis du rang" avec la situation française : le fossé est considérable. Cette idée de la seconde chance est d'ailleurs celle qui avait inspiré nos propositions sur Grenoble sur l'effacement des dettes des précaires et le dispositif des cautions pour les entrepreneurs.
3) La meilleure aide pour les personnes traversant une passe difficile c'est de les aider à s'en sortir en devenant autonomes. La première mesure sociale c'est donc l'emploi. Tout le reste c'est de l'assistanat qui ne rend pas l'espoir mais qui fait devenir proie : la peur que les aides diminuent ou prennent fin. Sur ce point,
Cameron a créé de l'emploi dans des conditions remarquables. Il a donc mis en place la première mesure sociale.
4) Enfin, collectivement, donner une vision qui rend la pêche, le punch, avec une vision claire. Le moral occupe une place essentielle chez tout être humain. La France des défaites annoncées d'avance fout le bourdon même au plus vitaminé. Pour cela, il faut se libérer d'une bande de losers politiques qui n'ont même pas le salut de la défaite digne. Ils croient à la victoire à l'ancienneté. Ils ne s'usent pas puisque la politique en France est déconnectée du travail. Mais ils usent l'opinion. Sur ce point aussi la Grande-Bretagne a donné des leçons avec les décisions des sortants battus.
Pour dire exactement ce que je pense sur la situation actuelle, c'est la victoire de la France bourgeoise de Chabrol. Chabrol a été le meilleur sociologue des travers français. Pas une image de ses films qui ne contienne pas un trait de vérité. Cette France où le chef de famille en habit du dimanche se rend à la messe avec sa famille pour célébrer les grandes "valeurs" (fidélité, partage …) mais à peine arrivé à la maison, au moindre éloignement de son épouse, il glisse la main sous la jupe de la femme de ménage, attribut caricatural de la bourgeoisie d'alors …
Les mots, les apparences … mais au-delà ?
C'est même une France qui aime ses pauvres à la condition qu'ils le restent. Parce qu'en le restant, ils ne bouleversent pas les équilibres et qu'une petite aide par çi ou par là déculpabilise. C'est cette culture qui anime les aides publiques. Laisser la tête hors de l'eau. Mais pas davantage.
C'est cette violence sociale là qui probablement à terme sera le détonateur. Parce que l'espoir impossible rend toutes les révoltes … possibles.
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