"Comment une personne qui a votre sens de l'analyse politique peut-elle s'engager dans un combat perdu d'avance ?" : en plein été 1988, dans l'ascenseur qui conduit au 4ème étage du Conseil général de l'Isère, Pierre Grataloup, alors Président de l'Association des Maires de l'Isère, me donne ce conseil avec la sagesse affectueuse qui est la sienne.
Je lui réponds que le combat ne me paraît pas aussi "perdu d'avance" que ce qu'il pense. Il rit et nous passons à un sujet différent voyant que je ne bougerai pas.
C'est difficile de parler de l'une de ses propres campagnes électorales. C'est encore plus délicat de la faire figurer parmi des campagnes qui ont compté. Mais je pense honnêtement que c'est objectivement le cas. C'est d'ailleurs le seul territoire où le PCF dans la foulée de cette victoire n'a jamais repris le pouvoir sauf comme allié du … PS à la différence de Fontaine, St Martin d'Hères ou Echirolles.
Cette victoire a été le résultat de plusieurs facteurs essentiels :
1) le militantisme : être militant, c'est la plus belle qualité qui soit : la passion pour des idéaux dans le désintérêt personnel. Et des militants, ils ont été indispensables et en nombre : y compris 417 requérants pour contester au Tribunal Administratif les irrégularités graves du premier scrutin dont nous avions été victimes. L'affiche de campagne (voir photo ci-contre) était placardée même dans des propriétés privées, à des balcons …
2) Le porte à porte : rien ne peut remplacer le contact direct, la poignée de mains, l'échange des regards. 12 500 foyers rencontrés un à un, montée d'escaliers par montée d'escaliers, Commune par Commune dans ce beau canton où cohabitent villes et villages ruraux.
3) Les débats publics contradictoires : à Pont de Claix notamment, le foyer municipal était plein. Pas le moindre espace de libre. C'est le moment de vérité pour chaque candidat : connaissance des dossiers, qualité des propositions, existence véritable d'un projet…
Au-delà de toutes ces considérations, il en est une qui a été le socle de toutes les autres : l'union. A cette époque, il y avait des rivalités, parfois même des jalousies. C'est incontournable dans tout groupe humain et a fortiori en politique. Mais, en dehors de quelques rancunes locales assez ouvertement mesquines donc inefficaces, tout le monde a aidé sans la moindre exception. Donner la liste des aides serait trop longue. Comme en sport, une équipe unie a une force sur-multipliée.
Pierre Gimel me passait un coup de téléphone pour me dire qu'il avait consacré un après-midi entier dans la vallée de Reymure à mobiliser des connaissances, des membres de sa famille. Max Micoud, Jeannie Longo, Monique Sacchi-Meunier, Françoise Soldano, Jean Pierre Saul Guibert … étaient venus à la dernière réunion publique à Vif prenant la parole pour témoigner de leur engagement. Alain Carignon et Jacqueline avaient effectué avec moi le porte à porte à Villancourt et dans tant d'autres quartiers provoquant des surprises assez comiques d'ailleurs devant des habitants qui ne pouvaient imaginer un ancien Ministre dans leur allée d'immeuble. Alain Mérieux étaient venu à la sortie Nord de Rhône Poulenc pour serrer les mains des salariés de cette usine. Haroun Tazieff tenait des réunions publiques … Richard Cazenave avait tenu une réunion dans l'arrière salle d'un commerce de la place de Pont de Claix où étaient réunis les commerçants du centre ville. …Sans ce combat collectif, la victoire aurait été impossible.
Il n'était pas nécessaire de demander. Il ne venait pas à l'esprit de négocier, d'échanger. La victoire de l'un était manifestement devenu le succès de tous. Avec le succès du 6 mars 1983, cette victoire demeure l'un de mes meilleurs souvenirs.
Je souhaite à chaque candidat à une élection de connaître au moins une fois une telle ambiance et la politique revêtira un autre aspect.
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