Les chiffres sont tombés. Ils sont têtus et imposent de regarder certaines réalités en face avec recul, avec tolérance et surtout avec la volonté de rester positif.
10 questions de fond se posent. Sur plusieurs jours, nous allons essayer de les prendre une à une en tentant d'amorcer des pistes de réponses.
1) L'Isère est-elle désormais une terre de gauche bien au-delà de la moyenne ?
Oui. Il ne pouvait pas en être autrement quand l'UMP se sectarise à ce point en cassant toutes les hypothèses de rassemblement. L'UMP 38 est coupée des écologistes, coupée du Modem, coupée de plusieurs de ses sensibilités internes. Elle atteint un plancher sans précédent qui n'est que le résultat naturel de cet isolement entêté.
Ce constat montre aussi toutes les limites graves des primaires internes aux partis politiques français. L'enjeu est d'influer sur le corps électoral non pas par la qualité du débat ou du projet mais en composant le corps électoral par le jeu des influences personnalisées (famille, copinage, réseaux d'affaires …). Dans ces conditions, on est très loin des primaires à l'américaine et encore plus loin d'une quelconque représentativité du résultat. Sur cette base techniquement fausse dès l'origine, l'UMP 38 s'est repliée sur elle-même. Cette logique portait en elle le risque de déroute. Cette déroute est consommée.
2) Les conséquences à moyen terme ?
L'affaiblissement des instances départementales de l'UMP est considérable. Il en est de même des élus locaux qui ont été incapables de démontrer, par les chiffres, l'impact de leur coefficient personnel.
La victoire de gauche est telle qu'elle bénéficie aujourd'hui d'une autorité morale plus forte à un point tel que l'UMP locale a perdu la main au point de ne même plus représenter la principale force d'alternance éventuelle. La question est désormais de l'alternance entre le PS et Europe-Ecologie. Cette situation est d'abord le fruit d'une sociologie ; ce qui explique le fort score d'Europe Ecologie sur Grenoble. Elle est ensuite la conséquence d'une image de marque très positive d'Europe-Ecologie qui incarne le neuf, l'avenir, l'innovation politique.
3) Au-delà du résultat ponctuel, ce score fait-il naître une nouvelle donne durable ?
Oui. Une nouvelle donne est née sur le plan national comme sur le plan local.
Sur le plan national, l'échec de la majorité présidentielle est d'abord le fruit d'un rejet de la personnalité même du Président de la République bien davantage que d'une politique. Son style irrite, provoque, fait naître des tensions alors même que l'opinion attend de la modération et du rassemblement.
Ensuite, une envie de gauche est née. Pendant longtemps, la contestation du Président avait une barrière : l'absence de transfert sur une autre force politique. La gauche a regagné du crédit de gestion. Elle a franchi le seuil des 40 % sur le thème du "peut mieux faire". La crise économique a renforcé le besoin de protection, de solidarité. La gauche est en train de "reprendre la main". Elle peut la perdre si les tensions internes réapparaissent, si les primaires se déroulent mal … Mais, l'envie de gauche est née.
Enfin, troisième facteur nouveau, la gauche peut compter sur une alliance de forces complémentaires qui correspond à la logique nouvelle de la société atomisée qui demande à des équipes d'être capables de faire vivre une "diversité pacifiée". Sur ce point, l'UMP a cédé à sa vieille tentation d'homme providentiel derrière lequel tout le monde doit se ranger docilement. C'est un hors jeu culturel.
Sur le plan local, trois tendances nouvelles structurelles sont installées.
Tout d'abord, le déni de réalisme est reproduit dans des conditions caricaturales. Michel Savin explique que le même score est réalisé en 2010 qu'en 2004. Alors comment expliquer qu'il y ait moins d'élus en 2010 qu'en 2004 ? Le même score c'est le même nombre d'élus. S'il y a moins d'élus, c'est que le score a baissé.
Ensuite, l'arrogance nationale est reproduite avec un quasi-phénomène identique de cour. Les chiffres montrent que les coefficients personnels n'ont pas endigué la poussée PS. Pourquoi ? En grande partie parce que les gestions locales ne séduisent pas. Dans bon nombre de Communes, les victoires ont été obtenues en 2008 par quelques petites dizaines de voix. Là aussi l'érosion a frappé. C'est cette même érosion qui fait d'ailleurs que l'actuelle direction départementale est probablement minoritaire désormais. Elle a gagné en 2008 grâce à la première circonscription et au sein de celle-ci grâce aux apports décisifs de Richard Cazenave et d'Henri Baile. Ces deux personnalités expriment aujourd'hui des positions qui tranchent avec celles d'octobre 2008 et c'est un euphémisme …
Enfin, l'UMP 38 est totalement isolée. Elle est coupée de tout partenariat éventuel et plafonne à 30 % dans le meilleur des cas. Les cantonales 2011 devraient encore marquer un affaiblissement notoire. Sans remise en question radicale, c'est une décapitation progressive qui est engagée. Là aussi, c'est la réalité des chiffres.
4) Cette déroute est-elle d'abord celle de Michel Savin ?
la suite demain.
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