Pendant longtemps, a été attribuée au journalisme une fonction de "contre-pouvoir". Plus un pouvoir était fort, plus les journalistes étaient supposés investiguer, enquêter, constituer une barrière de protection pour le pluralisme.
Cette étape est finie. Sur le plan national, les médias institutionnels sont forts avec les faibles mais surtout très faibles avec les forts. Prenons l'exemple de l'Express de cette semaine qui titre sur "la métamorphose de Nicolas Sarkozy". La définition du mot "métamorphose" est simple : c'est le changement radical d'un état, d'un caractère. Les Français sont donc a priori satisfaits d'apprendre que l'homme qu'ils ont élu en 2007 n'est plus l'homme qui gère la France en 2009 … ? En réalité, comme l'opinion a bougé, cet article vise à montrer que le Président a lui aussi bougé. Au hasard des déclarations, on apprend qu'hier "il promenait les livres alors qu'au aujourd'hui il les ouvre" (au passage quand va-t-il les lire une bonne fois pour toutes après les avoir promenés puis ouverts …?). Il n'y a pas un paragraphe qui échappe à l'auto-proclamation.
Sur le plan local, hier a été publié un entretien d'un responsable PS local donné à un blog local. Les questions sont presque du type "comment faites-vous pour connaître aussi bien les dossiers ? Expliquez-nous la force de tempérament qui est la vôtre pour fonder le calme olympien dont vous ne vous départissez jamais ? …". Quand on compare avec les questions à celles posées aux opposants locaux (Carignon et Savin sont traités de la même façon et ont au moins en commun ce point là), le registre est autre. A ces derniers, les questions sont presque" quand on est mauvais comme vous, pourquoi s'acharner à vouloir reconquérir le pouvoir ?". Et les intéressés de répondre et pire encore d'y revenir.
En 1985, Louis Mermaz s'était estimé mal-traité par le Dauphiné Libéré lors des élections cantonales 1895. Après plusieurs mises en garde, il lança un ordre de boycott du Dauphiné Libéré. Et le Dauphiné Libéré changea sa ligne éditoriale du moins ponctuellement. Aujourd'hui, l'affaiblissement généralisé du pouvoir politique est tel que dans un réflexe quasi-maso ceux qui sont mal-traités courbent encore davantage l'échine pour rester dans la course au "traitement journalistique". Par cette logique, c'est une escalade sans fin avec un écart de traitements qui se creuse toujours plus.
Jusqu'où cette logique ira-t-elle ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle devient la caricature d'une déviation grave de la décentralisation Française qui devrait interpeller tous ceux qui sont attachés à l'équilibre des pouvoirs comme socle d'une démocratie de qualité.
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