Denis Bonzy

Du danger des démocraties de proximités

Déforestation 3

Soirée très agréable hier en regardant sur YouTube la conférence de Pablo Servigne grâce à l'alerte donnée par un ami sur Twitter. Une analyse très fine, documentée, remarquable. Mais surtout l'utilité d'une analyse critique. Dans ma formation, la première fois que j'ai éprouvé ce besoin d'analyse critique c'est à la lecture d'un ouvrage de Michel Crozier qui remettait en cause toute la grille officielle de lecture jusqu'alors donnée dont la vraie fonction du rôle préfectoral comme "paratonnerre" des autorités nationales. D'un coup, il me paraissait évident de ne jamais être prisonnier d'une seule grille de lecture. Hier soir, Pablo Servigne a effectué des démonstrations du danger des démocraties de proximités.

Les proximités revêtent de nombreux habits. C'est l'habit de l'immédiateté : une opinion publique qui veut tout tout de suite.

C'est l'habit de la proximité territoriale : ne pas chercher à voir ce qui se passe au loin : espèces animales en danger, ressources naturelles en extinction, changements climatiques lointains aux impacts incontournables …

C'est l'habit de la proximité de pensées : le contre exemple le même jour de l'analyse de Servigne avait été le discours de Trump à la CPAC (retransmis sur CNN) : venir pour dire ce que la salle attend : de l'hommage à Billy Graham à la caricature de Trump faisant observer sa coiffure irréprochable …

C'est aussi l'habit de la proximité cachée : des débats sur de nombreuses chaînes françaises sont des échanges courtois de l'entre soi où l'honnêteté minimale voudrait quand même par exemple que des universitaires conseillers de la campagne de Macron voient leurs deux qualités être mentionnées.

C'est aussi l'habit de la proximité qui bride la liberté. Un exemple concret : dans les posts du Club 20, les plus visités (avec des scores de plus de 3 000 visites) sont les articles qui dénoncent des inactions locales, des défaillances manifestes. Les + visités ont souvent le moins de "j'aime" et de commentaires. Les commentaires sont envoyés par messenger … Les avis apparents sont ceux qui émanent de personnes qui ont la liberté de les témoigner ainsi, l'indépendance face aux pouvoirs locaux, l'engagement qui leur donne une force particulière. Mais pour les autres, l'expression devient cachée, dissimulée, "secrète" pour ne pas froisser un pouvoir dont on pourrait solliciter une aide, une subvention, une autorisation …

C'est en s'ouvrant à des esprits qui font vivre "l'air du large" avec des contestations, des angles de vues neufs, des opinions rebelles qu'une communauté avance, qu'elle se construit, qu'elle prend des décisions de qualité. A trop s'éloigner de telles méthodes, il y a matière actuellement à alimenter des inquiétudes sérieuses. Hier soir, Pablo Servigne a fait souffler cet air du large, c'était sain et agréable. 

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