Trump, Macron, Trudeau, Catalogne … et la liste pourrait durer longtemps ; un point commun au-delà de la diversité des situations : la victoire de la demande de disruption. C'est une demande plus forte que le simple changement. C'est la rupture totale, radicale, brutale. La demande existe. Elle existe si fortement que chaque offre qui parait porteuse de ruptures de ce type connait le succès. Mais le succès quand ? Jusqu'où ? Le temps d'une campagne électorale et après ? L'opinion occidentale moderne est lasse de sa gouvernance classique : les partis, les syndicats, les corps intermédiaires qui coûtent si cher pour si peu de résultats … L'opinion est en avance sur la gouvernance. Elle a conscience que le "système actuel" ne peut plus continuer. Elle n'est plus dupe des mots comme des chiffres. Il n'est pas possible de gâcher la planète au point de voir les premiers novateurs monter officiellement un business model pour la recherche d'une … autre planète. Il n'est pas possible de ne pas vivre une démocratie plus respectueuse des citoyens. Il n'est plus possible d'accepter une guerre de religion où la réponse des uns puisse résider dans l'élaboration de cortèges compassionnels pour les victimes avec cellules psychologiques pour encaisser le choc dans l'attente du prochain. Et il n'est certes plus possible d'accepter un tel écart de richesses mais pas davantage un tel écart de travail entre ceux qui produisent et ceux qui vivent de la redistribution. Tant que "le système sortant" n'accepte pas cette nécessité de ruptures, il alimente les colères, les augmente et leur éclosion ne deviendra que plus redoutable. C'est la réalité du moment qu'il faut accepter. L'économie a vécu sa disruption avec le numérique sur une séquence temps d'une brièveté historique. Pourquoi la gouvernance publique ne vit-elle pas cette même rupture ? Tant qu'elle est reportée, les colères augmentent.
Pour la disruption, le compte n’est pas bon
Commentaires
Une réponse à « Pour la disruption, le compte n’est pas bon »
-
Récemment, ARTE TV rediffusa l’excellent film d’Edouard Molinaro » Le Souper « , sorti en 1992, et qui était lui-même une adaptation de la pièce de théâtre écrite par Jean-Claude Brisville en 1989.
Le Souper, un épique et truculent tête à tête entre les personnages historiques Joseph Fouché, incarné par Claude Brasseur, et Charles Maurice de Talleyrand, interprété par le regretté Claude Rich – en juillet 1815, juste après la déflagration définitive de Waterloo qui signait la fin de l’ère napoléonienne.
Une époque terrible très incertaine qui concerna des nations entières. La démocratie parlementaire eut un temps de gestation très long souvent barré par des conservatismes puissants.
La période révolutionnaire ( 1789 ( prise de la Bastille ) – 1799 (coup d’Etat du 18 Brumaire ) ) fut violente, et on peut dire que la période post-révolutionnaire fut plus longue et contrastée ( de la fin 1799 aux années 1870 ), marquée par une très forte instabilité institutionnelle et des épisodes de violence plus sporadiques.
Il est des périodes historiques qui sont plus compliquées que d’autres en ce qu’elles signifient, ou imposent, des changements de paradigmes aux plans politiques, sociaux, et aujourd’hui environnementaux. Les révolutions industrielles font partie du jeu. et ont des effets sociaux cruciaux. Elles transforment notamment le monde du travail.
Les temps historiques et économiques peuvent être longs ( cf Kondratief, Schumpeter, Braudel, Mensch ).
La demande de disruption est de l’ordre du court-terme, même du très court terme. Le temps législatif ,ou encore constitutionnel, ne saurait être synchrone aux évolutions d’humeur de l’opinion. Il est vrai que l’économie s’est adaptée globalement au numérique sur un laps de temps très court – comme vous le soulignez.
Jusqu’à plus ample informé, les réseaux sociaux, aussi populaires soient-ils, sont certes des caisse de résonances spectaculaires, mais ne constituent pas des parlements. La gouvernance classique ( pour reprendre votre formule ) procède encore de la représentation parlementaire et en tous cas de suffrages électifs. Je m’en réjouis.
…L’opinion est en avance sur la gouvernance…
Ce n’est pas toujours vrai ( abolition de la peine de mort en France, droit de vote des femmes en Turquie, le mariage homosexuel en Espagne…).
…C’est la réalité du moment qu’il faut accepter…
Réalité de quel groupe, de quel cénacle ? de quelle tribu ? Il faut se poser cette question.
Pas si simple ! L’exigence de démocratie et son contenu ne sont pas forcément les mêmes partout dans le monde. Les paradigmes culturels et religieux non plus – et je ne suis pas un confucéen épris de conservatisme ou partisan permanent de statu quo de bon aloi.
Il nous faut encore distinguer entre démocratie représentative et démocratie d’opinion, entre le temps métaphysique et les rythmes dialectiques.
Au fond, vous semblez prôner une sorte de suprématie en soi du temps court sur le temps long sous prétexte que la technologie numérique permet de donner son avis à la vitesse de l’électron mais je crois ainsi qu’il y a un réel risque qu’une démocratie d’ opinion toute puissante et exclusive se transforme en dictature porteuse de schizophrénie.
En 2014, l’ EHESS et le CNRS avait organisé une journée d’étude sur l’Histoire du rythme. Qu’en est-il de la formation du concept de « rythmes sociaux » ou de de rythmes collectifs ? Quels enjeux idéologiques le rythme peut porter ? Quelle place une histoire des pratiques et des théories rythmiques peut-elle accorder aux différentes aires linguistiques et culturelles en Europe ( ou alleurs ) ? Etc
La maturation, la réflexion, le devisement au sens de Montaigne, ont aussi leur vertu dans notre société pressée et utilitaire.
Et puis il y a les pères de famille…
“Les pères de famille, ces grands aventuriers du monde moderne.”
(Charles Péguy, Victor-Marie comte Hugo, 1910)
Sur ce, bonne réflexion et bien à vous.
Les débats, que vous proposez, sont passionnants.J’aimeJ’aime
Laisser un commentaire