Denis Bonzy

Edition en France : toujours à la recherche du nouveau modèle économique

Librairie

Les Presses Universitaires de France (PUF) font actuellement une opération de communication sur l'impression d'un livre à la commande. Est-ce l'évolution vers un nouveau modèle efficace pour sauver l'édition papier en France ?

En effet, les PUF ont choisi «l'Espresso Book Machine» (EBM), un robot imprimeur créé par l'Américain Xérox et exploitée en France par le programme Irénéo. En librairie, les clients auront à leur disposition des tablettes sur lesquelles ils choisiront parmi une sélection de «près de 5000 titres du fonds et des nouveautés PUF, ainsi que plusieurs titres internationaux du domaine public», selon le communiqué. L'ouvrage choisi sera ensuite imprimé sur place en quelques minutes. Chaque impression ne pourra en revanche dépasser les 850 pages.

Est-ce enfin le nouveau modèle qui relance l'édition en France ?

Non. C'est une opération de niche. Sans plus. La relance du marché sinistré de l'édition papier en France suppose des mesures d'une autre ampleur. Des exemples concrets :

1) supprimer le prix unique du livre : Lang a été le premier collaborateur des grosses maisons d'éditions. Où est la force d'un "petit" ? Dans sa réactivité immédiate. Le prix est l'un des facteurs de réactivité. Le prix unique du livre lui interdit cette réactivité. Le prix unique du livre, c'est la rente de situation des grosses maisons d'éditions,

2) introduire des contraintes de proximité géographique pour les commandes publiques : la Province de Québec a mis au point un dispositif très performant en la matière,

3) légaliser la publicité TV pour le livre : les émissions dites culturelles passent à 2 heures du matin quand il n'y a plus personne devant la TV et les publicités commerciales sur les livres sont interdites (encore loi Lang !). Conclusion : on ne parle jamais des livres. Or une vraie locomotive commerciale tire tous les wagons de l'édition. Donc chacun gagne à des locomotives de ce type.

Faute de ces mesures, l'édition papier est devenue un marché sinistré en France. La loi est faite par les diffuseurs – distributeurs. Les libraires ferment les uns après les autres. Les éditeurs régionaux indépendants ont disparu. 

Le nouveau modèle est dans le numérique en dehors de segments de niches. C'est l'analyse qui avait été la mienne dès


2001 quand j'ai conduit, pourtant dans les circonstances très mouvementées de 2001, l'introduction en bourse de Didier Richard. D'ailleurs, les analystes financiers avaient adopté le modèle alors présenté.

EDR 2003

C'est un nouveau modèle économique :

1) par le support numérique qui supprime la cascade des intermédiaires du cycle classique. Ce nouveau cycle procure du cash immédiat là où, dans le vieux circuit, tout est long, aléatoire en fonction des retours …

2) par la révision des repères des droits d'auteurs pour accepter notamment une morcellissation du produit et donc une forfaitisation des droits pour faciliter les exploitations démultipliées du produit principal,

3) par le positionnement exclusivement secondaire de la version papier : à la demande et non plus en masse.

Cette évolution est en cours. Elle existe déjà sur des segments précis et elle fonctionne bien dans ce cadre. En dehors des points de ventes qui feront vivre le livre dans un ensemble plus général : café, restauration, animations culturelles, les points de ventes spécialisés exclusivement dédiés aux livres sont condamnés. Amazon leur porte le coup de grâce. En France, dans les 10 dernières années, 1 libraire indépendant sur 3 a baissé le rideau. Dans l'indifférence générale. Et à composantes constantes, ce pourcentage va s'accélérer.

En 20 ans, la France, supposé pays de la littérature, aura assisté démobilisée au naufrage de tout ce secteur. Irréel.

Menace-sur-les-libraires-independants,M62572

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