Denis Bonzy

La douceur du délice de la démission

DB sept 1994

5 fois. Il m'est déjà arrivé 5 fois de … démissionner. La démission cache bien sa réalité. Elle est souvent perçue comme brutale. Elle est brutale pour les extérieurs mais si douce pour l'auteur. Car elle réconcilie avec soi-même. La démission est perçue comme un abandon. Faux aussi. Elle est d'abord une affirmation, une conquête. C'est le non qui veut dire oui à autre chose. Souvent à soi-même. S'accepter tel que l'on est. Tel que l'on se connait. 

Ma première démission date de mon… 1er emploi comme juriste à Cholet. Deux jours ont suffi pour être persuadé que cet emploi et surtout que cette géographie ne me conviendraient pas. 15 minutes pour expliquer que j'avais décidé que ce poste ne me convenait pas. Prendre mon cartable puis le train et retour sur … Grenoble. Simple. 

Ma seconde démission date de mon … second emploi. Quelques semaines après Cholet, après une annonce sur Le Point, je suis sélectionné par un cabinet lyonnais pour un poste de juriste chez RMO. Un lundi matin, je débute. Le DRH de l'époque, M. Jacky Glatre, me présente les "obligations professionnelles". J'ai le sentiment que ma liberté sera terriblement encadrée. A 11 heures 30, je démissionne. Là j'ai gagné en réactivité. Non plus 48 heures mais 3 heures ont suffi à me faire une idée. Plusieurs années plus tard, j'ai revu M. Glatre. Un épisode très inédit dans sa carrière qui l'amusait beaucoup.

Ma troisième démission a concerné ma fonction de


directeur de cabinet à la Ville de Grenoble (1986). Les arbitrages protocolaires avaient pris trop de places avec des différends permanents avec de trop nombreuses personnes. Juillet 1986, le départ était incontournable. A compter de 1986, je ne reviendrai que trois fois dans un lieu où pourtant pendant trois ans (1983 – 1986) j'ai accumulé tant d'heures de travail. Entre 1986 et 1995, une seule fois en 1989 pour une réunion de travail sur la zone de Rochefort. De 1995 à 2014, deux fois. Une fois pour un mariage. Une autre fois pour récupérer des certificats d'inscriptions sur les listes électorales pour les élections de mars 2014. C'est dire combien certains actes peuvent tourner des pages de façon physiquement forte y compris dans le rapport avec un lieu … public.

Ma quatrième démission date de septembre 1994. Une contestation était née sur la couleur d'encre pour des votes à procuration sur Vif. Une contestation administrative qui ne me concernait en rien puisque je n'avais pas dirigé les opérations de votes sur Vif. Mais qui impactait la clarté de mon élection. Ce jour là à 11 heures 30, Me Jean-Pierre Saul-Guibert, qui avait été mon avocat, vient me voir à mon bureau place Victor Hugo à Grenoble après la séance du Tribunal Administratif de Grenoble. Je lui indique que "tout cela me casse les pieds et qu'il vaut mieux retourner devant les électeurs que de faire de la procédure" et une heure plus tard, je présente ma démission de Conseiller général. La ré-élection sera très large.

Ma cinquième démission concerne l'Agence de l'Eau. Pour moi, la séparation entre privé et public est simple. Dans le privé, on doit travailler pour gagner de l'argent. Et dans le public pour une fonction liée à une élection ou à une nomination, on s'engage pour exercer du pouvoir. Le jour où il n'y a plus de vrai pouvoir, il ne faut pas rester. 

De cette expérience, il en ressort le constat qu'il importe de se méfier des faux habits de l'apparence de la démission.

La démission n'est pas l'instabilité. C'est le contraire : la solidité d'ancrages qui renforce dans le choc de forces opposées.

La démission n'est pas la violence. C'est d'abord la douceur d'être bien avec soi-même. Le constat que pour être bien on ne gagne jamais contre son tempérament. Donc il vaut mieux bien se connaître et s'accepter. 

La démission, c'est surtout l'acceptation de la vérité. Quand des chocs forts se produisent, il y a des moments où ces chocs deviennent inconciliables. Plus ce constat est vite dressé, moins les dégâts sont grands. Et le lendemain, c'est toujours la douceur du délice de la démission. Cette petite voix intérieure qui dit "merci. On va repartir sur de bonnes bases". Même par temps de pluie, le soleil est alors là.

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