Denis Bonzy

La trahison de la politique vidéo-clip

Varoufakis

"La France pense-t-elle encore ?" : c'est sous ce titre que Le Point consacre cette semaine un extrait à un ouvrage paru dernièrement. Sur le fond, rien de très original si ce n'est la reprise d'éléments mis en relief par Julien Benda dès 1927 (la Trahison des Clercs). Les griefs de l'époque ont pris une ampleur particulière sous l'impact de la "politique vidéo-clip". Et d'ailleurs le magazine y cède quelques pages auparavant à l'occasion d'un reportage sur Varoufakis. Pourquoi est-il "révolutionnaire" ? La lecture est instructive. 

Varoufakis est "révolutionnaire" parce que :

– il porte un sac à dos et pas un cartable,

– parce qu'il circule à moto et pas dans une voiture officielle,

– et surtout il ne porte pas de cravate mais une … écharpe. Mais une écharpe … burberry quand même.

Il a tellement de … charme qu'il est même arrivé à … séduire une blonde qui chevauche sa moto mais sans casque pour qu'on puisse bien vérifier qu'elle est blonde pour ne passer à côté d'aucune caricature.

Les propositions précises : rien. La rencontre avec les faits : rien. C'est la caricature de la politique vidéo-clip : le superficiel remplace le fond.

Et ce dimanche, tous les médias français vont y céder jusqu'à la caricature avec un plan promo de Varoufakis qui se déploie sur tous les médias

Dans les faits, la réalité est où :

– Varoufakis ne présente

rien de neuf ni de révolutionnaire mais une relance à la Keynes impossible avec les finances grecques,

– il est aux côtés de Montebourg qui a annoncé officiellement avoir abandonné la politique il y a quelques mois

– et après avoir rencontré Mélenchon qui avait fait la même annonce quelques mois auparavant.

Qu'a-t-il réussi personnellement ? Une entreprise ? Jamais. trop risqué ou trop de travail. Un livre qui marque. Même pas. Rien.

Mais qui le dit ? Personne.

Ce mouvement en France est né dans les années 80. Depuis les années 80, cette "culture" progresse en permanence. Avec des étapes toutes plus ridicules les unes que les autres dont :

– 1988 : Chirac doit se réconcilier avec les jeunes. Que fait-il ? Un programme sérieux de soutien financier ? Non. Il va assister à un concert de Madonna !

– 1995 : Chirac doit montrer qu'il croit à la parité. Que fait-il ? Il vérifie l'égalité des salaires et des parcours professionnel à compétences égales ? Non. Il nomme un nombre record de femmes dans le Gouvernement avant de les … congédier quelques moins plus tard (le départ des "juppettes").

– 1998 : Jospin veut faire rêver. Des grands projets ? Non. La consigne de l'époque : reprendre les éléments de langages appliqués à l'équipe de basket US "la dream team" et les socialistes d'alors s'auto-proclament la … "dream team" : Jospin + DSK + Aubry …

– …

Cette politique vidéo-clip ignore les faits, trahit les faits, ne connait pas les raisonnements, maltraite les chiffres … Mais surtout, elle ne laisse aucune trace. Une image qui s'envole avec le temps immédiat.

Son développement est assuré par sa rencontre inattendue avec les journalistes. Tout devient plus simple : une photo, une formule …

Progressivement, le débat s'est ainsi asséché. Les faits ont disparu. Les chiffres n'existent plus. La vérification dans la durée n'est plus une nécessité.

La démocratie est trahie par cette mentalité. C'est une composante qui comptera beaucoup dans le temps pour expliquer le naufrage dans lequel la politique française a sombré.

Les pays qui réussissent actuellement ont été capables d'échapper à ce niveau zéro de la politique. A choisir ses idoles, la France est loin du redressement. Choisir un grec de ce type en dit long sur le chemin qu'il lui faut parcourir.

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