Denis Bonzy

Décès de Samuel Pisar : l’un des plus remarquables intellectuels du XX ème siècle

Samuel Pisar

Lundi à New York est décédé l'un des plus remarquables intellectuels du XX ème siècle : Samuel Pisar.

Lors de conférences, trois intellectuels ont dégagé un magnétisme hors du commun : Samuel Pisar, Raymond Aron et Jean Guitton. Ils ont structuré ma pensée et la lecture de chacune de leurs publications a été pour moi un progrès dans la structuration d'un raisonnement.

La vie de Samuel Pisar est hors du commun. A 12 ans, il est déporté à Auschwitz. Le texte de sa déposition lors du procès Papon devrait être dans toutes les écoles de France. Quand il raconte sa dernière nuit avec sa maman pliant ses affaires, puis son départ quand il est séparé de sa mère et sa soeur : les camps de concentration trouvent un relief particulier. 

Matricule B-1713, il passe par les camps de Majdanek, Auschwitz et Dachau, affrontant les terribles marches de la mort en 1945. Le 30 janvier 2010, dans le journal Le Monde, il publie un article intitulé «Comment je me suis libéré de l’enfer d’Auschwitz», Samuel Pisar raconte : «Nos marches de la mort, d’un camp vers l’autre, continuaient jusqu’à ce que nos


tortionnaires et nous commencions à entendre des explosions distantes, qui ressemblent au feu de l’artillerie. Un après-midi, nous sommes rasés par une escadrille de chasseurs alliés, nous prenant pour des fantassins de la Wehrmacht. Pendant que les SS se jettent à terre, leurs mitrailleuses tirant dans tous les sens, quelqu’un près moi hurle : "Fuyez !" J’arrache mes sabots de bois et m’élance désespérément vers la forêt. Là, je me cache avec des camarades pendant des semaines, jusqu’à ma libération par une compagnie de GI américains. Oui, le miracle s’est produit. Je suis libre. Mon calvaire, mon duel acharné avec mon destin est terminé…» 

Il est alors découvert,«squelettique», par un tankiste américain dans un bois près de Munich. Il a 16 ans. C’est un des plus jeunes rescapés des camps de la mort. Sa famille a été décimée, tout comme les 500 camarades de son école.

Pendant deux ans, il erre dans l’Allemagne occupée, vendant du café au marché noir. Recueilli par un oncle et une tante à Paris, il est envoyé dans une autre branche de la famille, en Australie où il étudie le droit. Il effectue ensuite une thèse de doctorat à Harvard, aux Etats-Unis.

Puis il deviendra un avocat international mais surtout développera une thèse sur l'impact des échanges internationaux pour faire disparaître les frontières qui mérite aujourd'hui un regard particulier avec Internet.

 

Lors d'un salon du livre à Genève, j'ai eu le plaisir d'assister à l'une de ses conférences puis de parler avec lui. Les épreuves avaient donné une sérénité d'âme impressionnante et le goût de défendre des causes, une vision.

C'est ce trait de tempérament qu'il partageait avec d'autres intellectuels comme Aron ou Guitton même si sur certains dossiers des oppositions fortes pouvaient naître entre eux.

Une catégorie d'intellectuels qui a malheureusement disparu car aujourd'hui la formule sur Twitter et la reconnaissance d'une starlette au bras valent en France tous les raisonnements d'antan.

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