Denis Bonzy

Municipales 2014 : les 10 questions – clefs : (2/10) la fin du règne des exécutifs locaux rois ?

La décentralisation française est un naufrage. Elle devait renforcer la démocratie de la base. Elle l'a considérablement éloignée. Elle devait donner de la vitalité au pays. Elle l'a bloqué dans des conservatismes généralisés. 

Quand on compare les ambitions affichées lors du vote des lois sur la décentralisation avec la réalité actuelle, le fossé est terrible.

Ce fossé est dû à l'émergence d'exécutifs locaux rois qui ont installé des rapports de forces sans équilibre. La France avait connu le mur de l'argent par les 200 familles. Elle connaît maintenant le mur du pouvoir par quelques 300 roitelets locaux. 

Toutes les digues des abstractions ont cédé devant des pratiques qui dans le temps seront jugées avec une extrême sévérité. La tendance générale est installée. L'ampleur varie selon les tempéraments et les sociologies. Le véritable danger réside dans l'existence d'une couleur politique unique parce que seules les sensibilités politiques variées peuvent faire vivre un nouvel équilibre tant tous les autres pouvoirs ont disparu.

Même dans des géographies où la sociologie pouvait laisser imaginer une faible prédisposition au règne d'exécutifs locaux, des évolutions irréelles sont intervenues à l'exemple de l'Isère :

– quand l'Ordre des Avocats doit recruter sa Secrétaire Générale, il choisit une attachée de cabinet du Président du Conseil général de l'Isère âgée de moins de 30 ans (Melle Aline Kozma). Un choix surprenant au moment même où la réforme des avoués a entraîné de très nombreux licenciements de professionnels expérimentés. Puis l'intéressée rejoint le cabinet du Président du Conseil général de l'Isère et elle se déclare chargée des questions judiciaires, compétence qui n'entre pas dans les fonctions d'un président de Conseil Général (source fiche LinkedIn),

– quand la Commune de St Théoffrey croule sous les dettes d'une opération immobilière controversée, elle peut compter sur le sauvetage financier de la Métro alors même que ladite Commune n'appartient pas à la Métro mais en est éloignée de très nombreuses dizaines de kilomètres. Mais elle appartenait à la circonscription du Député qui présidait alors la Métro …

– quand les collectivités locales deviennent les premiers annonceurs publicitaires de médias locaux, quelle indépendance perçue ou réelle peut rester aux médias en question ?
Monarchie

– quand des conclusions d'un rapporteur public sont radicalement modifiées après les menaces publiques explicites de responsables de structures intercommunales dans un dossier emblématique (ligne E du tram) par la présentation d'un nouveau mémoire après la remise des conclusions dudit rapporteur, quelle peut être l'image perçue de l'indépendance judiciaire locale ? 

– Quand les rapports de la Chambre Régionale des Comptes pleuvent dans l'indifférence générale et parfois même des accusations publiques graves sont formulées par des professionnels reconnus à l'exemple de l'ancien Secrétaire général d'Alpexpo sans la moindre conséquence pratique, que peut penser l'opinion de la valeur de la "même règle applicable pour tous" ?

– quand une opération immobilière destinée officiellement à loger les "jeunes d'une Commune" à partir d'une opération publique entièrement maîtrisée par une Commune voit l'un de ses premiers occupants être le … père du Maire de la Commune en question,

– quand les "regroupements familiaux" à des postes publics de hautes responsabilités sont devenus la règle (Métro, VFD, CGI, Giant, Ville de Grenoble, GEG, Grenoble Habitat …),

– quand ces nominations interviennent à l'heure où la fonction publique territoriale locale est considérablement plus rémunératrice que le secteur privé et tout particulièrement celui de la PME et sans avoir la moindre exposition au risque de la précarité,

– quand … 

: le principe fondamental de la séparation des pouvoirs a été mis à la poubelle dans sa réalité et / ou dans son apparence.

Des relations incestueuses entre les pouvoirs sont nées dans la réalité ou dans l'image, ce qui est aussi grave dans une démocratie d'opinion.

Jusqu'où sera repoussée cette limite en permanence décalée et jusqu'à quand ?

C'est l'un des enjeux majeurs du scrutin de mars 2014.

Si avant hier l'opinion voulait faire tomber le mur de l'argent des 200 familles, il n'est pas à exclure qu'elle veuille aujourd'hui faire tomber le mur des pouvoirs exorbitants de milliers de privilégiés par la politique et du seul fait de l'existence d'exécutifs locaux rois.

 

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