Le magazine Time vient de consacrer Barack Obama personnalité de l'année 2012. Non pas parce qu'il a gagné contre la crise rompant l'échec mécanique des pouvoirs sortants sortis par la crise et par la revanche populaire mais parce qu'il incarne la société moderne : diverse, plurielle, une somme positive riche de ses différences.
C'est le meilleur résumé de l'apport du
Président américain au moment où la France tourne le dos à cette harmonie des différences pour installer un code unique de comportements.
C'est le contre-sens culturel majeur du débat de la Présidence Hollande : un vocabulaire qui stigmatise. Une politique qui paraît animée par une volonté permanente de sanctions. C'est un pouvoir triste. L'opinion ne l'acceptera pas longtemps sur de telles bases.
Cette célébration d'Obama c'est aussi la victoire du sens. Une logique selon laquelle la civilisation doit apporter du progrès et le progrès c'est d'abord le respect de l'autre.
Au moment où tout est matière à divisions profondes en France tout particulièrement sur les sujets de société (mariage homosexuel, liberté de circulation des individus, repentance sur le passé colonial …) cette culture du rejet immédiat est un énorme boulet.
C'est aussi le décrochage d'une représentation politique française qui fonctionne à vide, travestissant les réalités derrière l'usage de mots sans déformés de leur signification véritable.
Après de 9 mois de Présidence Hollande, on attend encore le premier discours de fond qui puisse donner une vision, un souffle, une référence.
C'est maintenant du côté des Etats-Unis qu'il faut chercher la spiritualité à l'exemple de ce remarquable discours du Caire du 5 juin 2009 prononcé par Obama (lire ci-dessous). Que la France, pays des lettres et des idéaux, ait à rechercher du côté des Etats-Unis les discours fondateurs, c'est bien un nouvel équilibre des idées qui est né.
"Je vous remercie.
Bonjour à tous.
C'est pour moi un
honneur de me trouver dans cette ville intemporelle qu'est le Caire et d'être
reçu par deux institutions remarquables. Depuis plus de mille ans, Al-Azhar est
un haut lieu de transmission du savoir dans le monde musulman et, depuis plus
d'un siècle, l'université du Caire est une source de progrès pour l'Égypte.
Ensemble, vous représentez l'harmonie entre la tradition et le progrès. Je vous
suis reconnaissant de votre hospitalité et de celle du peuple égyptien. Je suis
fier aussi de vous transmettre la bonne volonté du peuple américain et une
salutation de paix de la part des communautés musulmanes de mon pays : « Salamm
aleïkoum ». (Applaudissements)
Notre rencontre
survient à un moment de grande tension entre les États-Unis et les musulmans du
monde entier – tension ancrée dans des forces historiques qui dépassent le
cadre des débats actuels de politique générale. Les relations entre l'islam et
l'Occident se caractérisent par des siècles de co-existence et de coopération,
mais aussi par des conflits et des guerres de religion. Dans un passé
relativement plus récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui
a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par
une guerre froide qui s'est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans
des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations. En
outre, les mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la
mondialisation ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l'Occident un
élément hostile aux traditions de l'islam.
Des extrémistes
violents ont exploité ces tensions auprès d'une minorité de musulmans, qui pour
être réduite n'en est pas moins puissante. Les attentats du 11 septembre 2001,
conjugués à la poursuite des actions violentes engagées par ces extrémistes
contre des civils, ont amené certains dans mon pays à juger l'islam
inévitablement hostile non seulement à l'Amérique et aux pays occidentaux, mais
aussi aux droits de l'homme. La peur et la méfiance se sont ainsi accentuées.
Tant que notre
relation restera définie par nos différences, nous donnerons du pouvoir à ceux
qui sèment la haine et non la paix et qui encouragent le conflit au lieu de la
coopération qui peut aider nos deux peuples à connaître la justice et la
prospérité.
C'est ce cycle de
la méfiance et de la discorde qui doit être brisé.
Je suis venu ici
au Caire en quête d'un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du
monde entier, un départ fondé sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel, et
reposant sur la proposition vraie que l'Amérique et l'islam ne s'excluent pas
et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence. Bien au contraire, l'Amérique
et l'islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la
justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain.
Ce faisant, je
reconnais que le changement ne se produira pas du jour au lendemain.
Il y a eu beaucoup
de publicité à propos de mon discours, mais aucun discours ne peut éradiquer
des années de méfiance, et dans l'espace de cet après-midi, je n'ai pas la
réponse non plus aux questions complexes qui nous ont menés au point où nous
sommes maintenant. Mais je suis convaincu que pour aller de l'avant, nous
devons dire ouvertement entre nous ce que nous recelons dans notre coeur et que
trop souvent nous n'exprimons qu'à huis clos. Nous devons consentir un effort
soutenu afin de nous mettre à l'écoute et d'apprendre les uns des autres ; de
nous respecter mutuellement et de rechercher un terrain d'entente. Comme le dit
le Saint Coran, « Crains Dieu et dis toujours la vérité ». (Applaudissements)
C'est ce que je
vais essayer de faire aujourd'hui – de dire la vérité de mon mieux, rendu
humble par la tâche qui nous attend et ferme dans ma conviction que les
intérêts que nous partageons, parce que nous sommes des êtres humains, sont
beaucoup plus puissants que les forces qui nous séparent.
Cette conviction
s'enracine en partie dans mon vécu. Je suis chrétien, mais mon père était issu
d'une famille kényane qui compte des générations de musulmans. Enfant, j'ai
passé plusieurs années en Indonésie où j'ai entendu l'appel à la prière (azan)
à l'aube et au crépuscule. Jeune homme, j'ai travaillé dans des quartiers de
Chicago où j'ai côtoyé beaucoup de gens qui trouvaient la dignité et la paix
dans leur foi musulmane.
Féru d'histoire,
je sais aussi la dette que la civilisation doit à l'islam. C'est l'islam – dans
des lieux tels qu'Al-Azhar -, qui a brandi le flambeau du savoir pendant de
nombreux siècles et ouvert la voie à la Renaissance et au Siècle des Lumières
en Europe. C'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes
(Applaudissements) – c'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes
que nous viennent l'algèbre, le compas et les outils de navigation, notre
maîtrise de l'écriture et de l'imprimerie, notre compréhension des mécanismes
de propagation des maladies et des moyens de les guérir. La culture islamique
nous a donné la majesté des arcs et l'élan des flèches de pierre vers le ciel,
l'immortalité de la poésie et l'inspiration de la musique, l'élégance de la
calligraphie et la sérénité des lieux de contemplation. Et tout au long de
l'histoire, l'islam a donné la preuve, en mots et en actes, des possibilités de
la tolérance religieuse et de l'égalité raciale. (Applaudissements)
Je sais aussi que
l'islam a de tout temps fait partie de l'histoire de l'Amérique. C'est le Maroc
qui fut le premier pays à reconnaître mon pays. En signant le traité de Tripoli
en 1796, notre deuxième président, John Adams, nota ceci : « Les États-Unis
n'ont aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou la tranquillité des
musulmans. »
Depuis notre
fondation, les musulmans américains enrichissent les États-Unis. Ils ont
combattu dans nos guerres, servi le gouvernement, pris la défense des droits
civils, créé des entreprises, enseigné dans nos universités, brillé dans le
domaine des sports, remporté des prix Nobel, construit notre plus haut immeuble
et allumé le flambeau olympique. Et, récemment, le premier Américain musulman
qui a été élu au Congrès a fait le serment de défendre notre Constitution sur
le Coran que l'un de nos Pères fondateurs, Thomas Jefferson, conservait dans sa
bibliothèque personnelle. (Applaudissements)
J'ai donc connu
l'islam sur trois continents avant de venir dans la région où il a été révélé
pour la première fois. Cette expérience guide ma conviction que le partenariat
entre l'Amérique et l'islam doit se fonder sur ce qu'est l'islam, et non sur ce
qu'il n'est pas, et j'estime qu'il est de mon devoir de président des
États-Unis de combattre les stéréotypes négatifs de l'islam où qu'ils se
manifestent. (Applaudissements)
Or ce même
principe doit s'appliquer à la façon dont l'Amérique est perçue par les
musulmans. Tout comme les musulmans ne se résument pas à un stéréotype
grossier, l'Amérique n'est pas le stéréotype grossier d'un empire qui n'a
d'autre intérêt que le sien. Les États-Unis représentent l'une des plus grandes
sources de progrès que le monde ait connues. Nous sommes nés d'une révolution
contre un empire ; nous sommes fondés sur l'idéal de l'égalité de tous et nous
avons versé de notre sang et combattu pendant des siècles pour donner un sens à
ces mots – sur notre territoire et à travers le monde. Nous sommes façonnés par
chaque culture, issus des quatre coins du monde et acquis à un concept simple :
E pluribus unum : « De plusieurs peuples, un seul »
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