Denis Bonzy

L’actuelle opposition dans l’agglomération grenobloise et le « jour d’après »

Le "jour d'après" a un goût très amer pour le parti républicain américain. Il était persuadé que le taux de chômage particulièrement élevé serait la clef d'une victoire acquise. La "victoire acquise" s'est éloignée et avec un score final élevé comparable à celui de 2008 (c'est à dire à la sortie du bilan très impopulaire de GW Bush).

C'est pareil actuellement en France sur un autre registre : l'impopularité du PS. L'impopularité du PS ne sera pas demain la clef de toutes les victoires "garanties" pour l'opposition. 

Le débat actuel qui s'ouvre aux Etats-Unis au sein du Parti Républicain qui veut comprendre la "défaite de trop" n'est pas propre aux Etats-Unis. Il y a en effet des règles qui progressivement ont vocation à des applications plus larges.

5 repères méritent une attention particulière :

1) Aucune formation politique ne vit sans des racines solides. Aux Etats-Unis, c'est l'actuel débat sur le constat : comment Clinton a-t-il pu être aussi efficace électoralement alors même que GW Bush était contraint à ne pas sortir de son ranch ? Le premier était passé à quelques millimètres d'une procédure d'impeachment. Le second n'a pas effectué que des erreurs ou pire encore que des fautes. La différence est fondamentale : le premier a mené la bataille de la ré-écriture de la globalité de son bilan tandis que le second a accepté que les échecs emportent tous les succès. Sans les efforts militaires de GW Bush, Ben Laden aurait-il pu être neutralisé par Obama ? Non. Chacun s'accorde à le reconnaître. Et pourtant, l'opinion n'y a vu que "l'exploit" d'Obama.

Sur le plan national, il en fut de même pour Jospin en 2002 avec son "devoir d'inventaire" face aux années Mitterrand. Une formation politique sans racine est une formation fragile.

Sur le plan local, la même règle prévaut. Pour les uns, c'est une règle de justice morale. Mais pour tous, ce devrait être une règle d'efficacité électorale. Dans ce Département, il n'y aura pas d'opposition performante sans une bataille livrée sérieusement sur la qualité des bilans 1985 – 2001 pour l'ensemble de l'Isère ou 1983-1995 pour Grenoble et l'agglomération grenobloise. Il n'y a là ni nostalgie, ni retour au passé mais du réalisme électoral. 

Il n'est pas possible de construire des promesses fiables, attractives si la moindre référence à un proche passé fait l'unanimité pour emporter le souffle de ces promesses. 

Cette bataille du passé conditionne la crédibilité pour l'avenir. Prenons un exemple technique simple. En 2008, sur Grenoble, Michel Destot présente comme un actif de sa gestion la lutte contre le désendettement de la Ville de Grenoble. Il dit qu'en 1995 les délais de désendettement de la Ville de Grenoble auraient été de 33 ans. C'est une date qui ne résiste pas à l'examen technique élémentaire. En 1995, la dette était de 230 millions de frs. La Ville remboursait 23, 19 millions de frs par an de capital. Combien faut-il réellement de temps pour rembourser 230 Millions
,en remboursant 23,19 par an ? La réponse n'est pas de 33 ans mais de 9 ans et 10 mois. C'est un sacré écart. L'opposition compte dans l'agglo l'un des meilleurs experts des comptes publics : M. Pierre de Villard. Il a mis en relief, à l'exemple du point ci-dessus, toutes les failles, les interprétations erronées … Qui a livré la bataille de l'explication en dehors de lui ? Personne comme si hier n'intéressait personne. C'est une grosse erreur. Hier concerne aujourd'hui. 

2) Un parti moderne doit incarner toute la diversité de la société sans la moindre exception. Dès qu'il sort de cette règle, il s'aliène celles et ceux qui s'estiment pas représentés donc pas considérés. 

Il ne doit pas être question de construire un "parti de fans" mais de construire "un parti de la société dans sa globalité".
Grenoble 2

3) Il ne faut pas confondre "opposition" et "obstruction" : les citoyens cautionnent la première comme fondement de la démocratie mais ils condamnent la seconde comme contraire à leurs intérêts.

La seule opposition que les citoyens acceptent, c'est celle qui incarne un double rempart :

– rempart contre les abus : mais il faut alors être clair et les abus dénoncés ne doivent pas être fondus dans une masse de reproches les plus divers,

– rempart contre les régressions : c'est l'idée que l'opposition doit aussi par ses propositions être un aiguillon pour progresser dans l'intérêt de tous.

4) La victoire dépend de l'enjeu du vote : avec l'ouragan Sandy tout particulièrement mais de façon plus globale avec les impacts de la crise, l'enjeu était "faut-il un Etat fédéral protecteur ?". Sur cette base de choix, la victoire de Romney devenait quasi-impossible. Même l'argent le plus puissant ne pouvait lutter contre cette vague. Le Parti républicain avait listé 26 circonscriptions clefs où il a dépensé sans compter. 8 d'entre elles seulement ont été gagnées. L'enjeu fait la victoire bien au-delà de "l'achat des votes". Quand la vague globale est défavorable, le sauve qui peut individuel est quasi-impossible. L'enjeu réside dans l'identification et la création de cette vague globale davantage que dans les dérogations.

5) La bataille interne au parti ne doit pas primer sur le rapport global à l'opinion. Dans une démocratie moderne, on ne force pas l'opinion. Si le choix vise le fonctionnement interne d'un parti à l'exemple du choix de Ryan, il peut éloigner de la victoire. Ce qui doit rester le seul marqueur, c'est la victoire.

L'actuelle opposition dans l'agglomération grenobloise, dans sa totalité, gagnerait à prendre le temps de cette analyse et de ce travail sur elle-même. A l'issue, mais à l'issue seulement, une formation politique peut receler en son sein les bons candidats ou les candidates performantes. Si ce n'est pas le cas et si son constat sur la gravité du bilan local est sincère, elle doit envisager alors d'apporter son soutien à des personnes qui peuvent être extérieures si changer est la véritable priorité. 

Il est temps de sortir de la "passion" des camps nationaux comme de la seule question des personnalités. C'est une ambiance globale qu'il importe de changer, de modifier et de mieux préparer pour une performance électorale. Regardons "le jour d'après" d'autres candidats pour qu'ici le "jour d'après" ne soit pas marqué par de mêmes regrets.

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