Les nouvelles bastilles ou les défis de citoyenneté

Moins la société politique française a de réels pouvoirs, plus elle veille à les protéger avec précaution. La composition de la commission Jospin est le dernier exemple en date : le recyclage de politiques et de hauts fonctionnaires : pas un citoyen qui n’appartienne pas aux cercles du pouvoir. Un décalage d’autant plus incompréhensible qu’il s’agit de réformer la vie politique, ce devrait donc être par définition « l’espace des citoyens » et plus particulièrement des jeunes citoyens.

Le décrochage entre la société politique et la société civile française est d’autant plus étonnant

qu’il est en décalage avec des mouvements connus dans des démocraties analogues. Hier, il était question du « printemps érable » à Québec : une initiative de la base qui a provoqué des élections anticipées en automne.

Aux Etats-Unis, le mouvement Occupy Wall Street conduit des initiatives fortes pour définir les bases d’un nouveau système financier. Les animateurs ne sont pas des « farfelus » mais dressent des propositions solides, argumentées, qui méritent l’analyse à l’exemple du parcours de Carne Ross l’un des animateurs (voir vidéo ci-dessous).

Toutes ces bastilles modernes (politique, finances …) sont d’abord des défis de citoyenneté. Le citoyen français est en mal d’idéal, en mal de mobilisation, en mal de considération.

En mal d’idéal, comme si la mondialisation rendait impossible une référence nationale. Ce fut le débat sur la place du « modèle français » dans le monde actuel. Progressivement, l’abandon de l’idée de « modèle français » s’est installée.

En mal de mobilisation, parce que le sauve qui peut s’est installé. Les élections battent des records d’abstention. Le pouvoir est assumé par un parti politique qui représente 25 % du corps électoral réel et au mieux. Mais là aussi, pas de débat de fond à l’exemple du dossier du vote obligatoire. 

En mal de considération, les citoyens français ont inversé la culture de la pyramide du pouvoir. Au lieu de demander que le socle soit respecté, ils passent leur temps à courtiser le pouvoir pour avoir des pourboires : un privilège par çi, une aide publique par là … Le pays qui hait l’argent dans l’économie a installé la relation marchande au coeur de sa … vie publique. 

Cette situation là peut-elle durer ? Pas sûr. 

Plus le système est manifestement à bout de souffle, plus il se replie sur lui-même. C’est probablement l’erreur essentielle de François Hollande au moment de son installation : la France est devenue le Parti Socialiste : tous les pouvoirs, pas une ouverture, seulement un équilibre entre les tendances du PS comme la gestion d’un Premier Secrétaire d’hier : cette logique tourne excessivement le dos à la vraie société. Il serait bien surprenant que ce système de pouvoir ne rencontre pas rapidement des secousses fortes.