Denis Bonzy

Affaires : la morale et la condition humaine

Les prochaines élections dans les démocraties modernes, en dehors des législatives françaises de juin 2012 perçues comme le dernier épisode de la présidentielle dénouée, seront d'abord des enjeux de morale. Le "printemps érable" serait-il né sans la multiplication des affaires dans la province de Québec ? Probablement pas à ce point. Mais quand des conditions financières sont difficiles pour le très grand nombre, comment comprendre et accepter qu'un "petit nombre" s'échappe de ce cadre au prix d'un choc qui devient intolérable entre la morale et la condition humaine ?

La morale, c'est d'abord


le respect du droit. Mais cette valeur va bien au-delà. C'est une sorte d'idéal, d'aspiration au meilleur. Dans la vie publique, la morale porte en elle l'idée du "don de soi", de la générosité, voire même du désintéressement.

Certes, cet idéal, l'opinion le tempère avec sagesse par la notion de "condition humaine". Derrière ce terme, il y a l'acceptation de la "faiblesse humaine", d'une forme de vulnérabilité face à certaines tentations. 

D'où la naissance d'un équilibre précaire qui traduit d'ailleurs un certain bon sens très pragmatique. Mais cet équilibre évolue tout particulièrement lorsque se creusent trois fossés :

– un fossé entre l'affirmation et les actes,

– un fossé entre les privilèges et l'ordinaire du grand nombre,

– un fossé entre l'exceptionnel et le récurrent qui traduit en fait une émancipation face à toute règle.

C'est le dossier sorti par Mediapart au sujet de l'IRFM de Pascal Terrasse. 

Le 25 mai, Mediapart a publié un dossier très documenté (4 pages) sur l'utilisation de l'IRFM (indemnité représentative des frais de mandat) de Pascal Terrasse (Député PS et Président du Conseil général de l'Ardèche).

Le Député part en voyage à l'étranger (Egypte) avec femme et enfants du 23 au 30 avril 2011. La dépense est prise en charge par son IRFM donc par les contribuables.

De même en 2009 pour un voyage au Sénégal. Puis un week-end à Barcelone … Et médiapart égrène les déplacements payé par les contribuables y compris en Espagne "pour l'enterrement du père d'un copain" selon les aveux de l'intéressé. 

En Grande Bretagne, des démissions en chaîne étaient intervenues lors de la révélation du scandale des notes de frais suite à une révélation du Daily Telegraph. 

En France, le scandale devient banal, ordinaire, "normal" pour reprendre une formule à la mode.

C'est à terme une "ambiance" de ce type qui suscitera une révolte populaire quand l'opinion prendra conscience que, derrière les formules de "République irréprochable", il y a si souvent une succession d'agissements irrespectueux des deniers publics.

La vigilance médiatique a longtemps été une sorte de ligne Maginot avant les procédures judiciaires. Cette ligne Maginot a sauté emportant d'ailleurs tout crédit à de très nombreux supports d'informations aujourd'hui voués aux enfers par l'opinion dans des conditions inédites à l'exemple des abondants commentaires notamment sur les réseaux sociaux.

Nous sommes au début d'un processus où c'est tout un système de pouvoir qui est débordé par les nouvelles exigences de l'opinion comme par les nouveaux moyens individuels de communication.

Ce processus rapporté au tempérament français est explosif. Le seul doute réside dans le calendrier.

Sarkozy a été éliminé d'abord parce qu'il a été perçu comme "l'ami des riches". Quand l'opinion va s'apercevoir de "qui est riche" la colère sourde va prendre une toute autre ampleur surtout lorsqu'il y aura révélation que cette "richesse" a été financée sur fonds publics.

Alors, la condition humaine ne sera plus là pour modérer mais pour accentuer un désir de punition qui, à ce jour, est irresponsablement sous-estimé.

Commentaires

Laisser un commentaire