Le billet d’hier sur les prochaines élections locales a suscité beaucoup de commentaires et de questions. Je vais essayer de revenir sur plusieurs d’entre elles pour tenter d’apporter des explications dans la plus grande transparence.
Beaucoup de questions ont concerné la place des nouvelles technologies. Sur ce point, mon appréciation est la suivante.
1) Il faut distinguer les « campagnes de rupture » et les « campagnes de continuité ». La campagne de rupture concerne le moment où l’opinion attend un changement radical. J’en ai vécu deux : en 1983 et en 1988. En 1983, les élections municipales ont été la fin de la séparation entre la communication publique d’un côté et la communication commerciale d’un autre côté. Jusqu’alors, la première refusait les méthodes de la seconde. En 1983, la frontière a sauté. Prenons l’exemple de Grenoble, quand Alain Carignon et son équipe rapprochée d’alors (Pierre Gascon, JP Saul Guibert, JJ Guillemot, R. Cazenave, J. Folco …) ont accepté au second trimestre 1982 les propositions que nous effectuions avec Philippe Langenieux Villard et Florence Cathiard, tout allait changer : 4 m x 3 m, phone marketing, organisations des réunions, ciblages … Entre septembre 1982 et janvier 1983, les repères traditionnels allaient exploser et à l’issue : une victoire large dès le premier tour. 6ans plus tard, cette technique de campagne était généralisée et servait même parfois de modèle avec le « pélerinage » pour venir voir « l’exemple grenoblois ».
La seconde campagne de rupture a été en septembre 1988 où a été mise en oeuvre la campagne des marques et non plus celle des partis politiques. Mitterrand est réélu en mai 1988 triomphalement. Si le vote est politique, la vague est redoutable. Le repère ne sera plus la carte politique mais la marque par le nom du candidat et sa notoriété. Là aussi, il faut constater que la nouveauté et l’imagination ont été du côté de Carignon qui, sur le plan national, a mis en oeuvre la première campagne des marques et non plus des partis politiques : Tazieff, Liénard, Saby, Crasnianski … Loin d’être fragilisé par le « climat rose » de l’époque, Carignon a amplifié sa majorité départementale. A titre personnel, j’ai gagné un canton de 30 000 habitants qui passait pour être un canton communiste depuis la Libération imprenable par une personne de mon profil.
Lorsque des ruptures de ce type rencontrent la vague de l’opinion, aucune digue ne peut résister.
Ces campagnes pionnières, rendues possibles par le courage de décision d’élus et de candidats prêts à innover comme par la qualité d’équipes professionnelles prêtes à se remettre en question, sont ensuite passées dans le domaine partagé.
C’est ce qui s’annonce pour 2014 : les campagnes citoyennes de cause.
Trois facteurs vont dans ce sens.
Tout d’abord, le constat des chiffres et des faits. Un exemple : lorsque Dominique de Villepin et Brigitte Girardin m’ont confié la co-responsabilité nationale avec Sihame Arbib (remarquable détectrice de tendances d’opinion) d’organiser le réseau citoyen, j’ai été étonné par la rapidité du maillage territorial. Si Dominique de Villepin (ou probablement surtout son entourage) avait été plus audacieux, il y aurait aujourd’hui une force militante d’une extrême performance. Il suffit de suivre notamment ce que font Erwan Toullec dans les Yvelines, Hakima Aït El Cadi à Avignon, Isabelle Baert à Lille, Lionel Sontag en Savoie, Mehdi Zenasni à Villepinte ou Philippe Buerch à Cannes pour voir naître les nouvelles campagnes de demain.
Les nouvelles technologies accélèrent l’accès à la taille critique et diversifient les recrutements dans des conditions inégalables. Dans l’agglomération grenobloise, nous avons une sociologie qui s’y prête tout particulièrement.
Ensuite, Internet est devenu le support emblême de l’anti-système. C’est l’outil du citoyen contre les Pouvoirs puissants installés. Même controversé sur de nombreux volets, le printemps arabe à contribué à cette image de marque internationale. Or, les élections locales de 2014 seront des élections anti-système. Ce pouvoir local qui représente les notables de proximité qui n’apportent si souvent aucune solution pratique à l’amélioration de la vie quotidienne. La taille de proximité va faciliter et renforcer l’appropriation de la campagne par les citoyens.
Enfin, l’enjeu n° 1 devient désormais la cause. Avant hier (1983), la naissance des collectivités locales décentralisées a correspondu avec de nouvelles méthodes de communication fraîches, dynamiques. Hier (1988-1989), les marques (noms des candidats) ont pris le pas sur les étiquettes partisanes. Demain (2014), dans un contexte de classe politique décrédibilisée et de discours politique inopérant, ce sont les citoyens qui vont reprendre le pouvoir pour défendre une cause pratique dans une logique d’élection transformée en referendum. C’est d’abord cela l’esprit de la « campagne Obama 2008 » : une cause (la « nouvelle Amérique ») portée par les citoyens qui s’identifient activement à cette cause.
Seules les nouvelles technologies permettent cette appropriation par le grand nombre. Elles sont donc le support incontournable pour faire vivre ce « nouvel âge » de la vie locale. En supprimant les intermédiaires entre l’émetteur et le récepteur des messages, elles accélèrent la diversité, la liberté donc la faculté et la reconnaissance de l’engagement individuel.
Par conséquent, ne pas mettre toute la priorité sur les nouvelles technologies, c’est se priver du support essentiel pour vivre cette mutation. Voilà pour l’explication sur cette priorité concernant nos méthodes de travail.
Il s’agira à terme d’une priorité et non pas d’une exclusivité. Chaque support traditionnel doit être respecté et conserve une utilité. Mais pour l’instant, avec le temps nécessaire pour structurer, la priorité va à l’organisation de ces réseaux via Internet.
Denis Bonzy
NB : demain, réponse sur les questions liées aux priorités des propositions.
Laisser un commentaire