Denis Bonzy

Remaniement : Dominique de Villepin marque des points importants

Le remaniement intervenu, il est d''abord significatif par tout ce qu'il n'est pas. Il était possible de voir une nouvelle séquence s'ouvrir avec des personnalités nouvelles donnant le sentiment d'une nouvelle chance : Bazire à l'économie, Douillet aux Sports, Lagarde aux Affaires Etrangères, un jeune médecin provincial aux seniors dépendants, … : la présidentielle 2012 était alors lancée sur des bases nouvelles.

Là, c'est la continuité la plus absolue. Mais c'est une fausse continuité. Elle ne frappe que l'exécutif et tout le reste bouge. 5 courses sont ouvertes et le jeu s'est déplacé en dehors du Gouvernement.

La première course est celle de l'officialisation de l'ouverture de la présidentielle 2012. Depuis 24 heures, cette officialisation est intervenue. La présidentielle s'installe comme la grille de lecture généralisée de toutes les positions et de toutes les décisions.

Par conséquent, c'est l'ensemble de la classe politique qui se met à "l'heure Villepin". Cette situation ne peut que fragiliser le pouvoir en place qui n'a jamais intérêt à l'ouverture très rapide du climat de campagne puisqu'il acquiert un nouveau statut : celui de … sortant.

La seconde course est celle de la critique contre Nicolas Sarkozy. Du temps de l'unanimité autour du Président, Dominique de Villepin a créé sa différence en exprimant cette distance. Aujourd'hui, les ex-Ministres vont faire vivre ce climat. Par conséquent, là aussi, Dominique de Villepin peut passer, et probablement d'ailleurs doit passer à une nouvelle étape qui n'est plus "la guerre à Nicolas Sarkozy" mais "la guerre à la crise".

La troisième course est celle de l'organisation des structures politiques. En réalité, elles sont toutes des "tigres de papier". L'UMP vit une crise d'adhésions et les fédérations sont en guerres internes laissant des traces durables suite aux primaires pour la conquête des fédérations. Le PS ne parvient pas à régler la question des féodalités qui reviennent à un risque permanent d'implosions ou de paralysies. Quant au Nouveau Centre et au Parti Radical, quand ils comptent 20 adhérents en moyenne dans un département, c'est un signe de "forte implantation".

Or, il n'y a pas de présidentielle sans logistique efficace.

Dans cette course, République Solidaire est en retard par rapport à l'UMP et au PS mais en avance par rapport aux autres formations.

La quatrième course est celle du changement. C'était l'enjeu majeur. Ce changement permettait de purger les insatisfactions témoignées à chacune des élections intermédiaires depuis l'été 2007 sans la moindre exception.

La majorité présidentielle a gagné la course à la … continuité. Par conséquent, elle laisse ouvert un espace considérable : le changement. Ce mot a vocation à devenir le plus utilisé. Mais l'opinion attend du changement réaliste et non pas du changement illusoire (la gauche ultra) ou du changement chaotique (les extrêmes). François Fillon aurait pu en 2012 incarner ce changement s'il avait pris un recul sur les 20 derniers mois. Scotché sur tout le bilan, il ne pourra pas incarner ce changement. Par conséquent, cette course est ouverte sur de nouvelles bases.

La cinquième course est celle du peuple. Le nouveau Gouvernement est d'abord celui des professionnels de la politique, du cumul des mandats. La focalisation sur les sortants naît d'abord du fait qu'il n'y ait aucun entrant de nature à retenir l'attention pour des raisons symboliques. L'ex porte-parole de République Solidaire n'a pas la notoriété suffisante pour avoir cette valeur symbolique. Les commentaires qu'elle suscite montrent surtout la vague anti-parlementaire qui est prête à s'exprimer. Ce volet avait d'ailleurs été l'une des surprises initiales de sa désignation : comment un nouveau parti peut-il considérer qu'il revient à l'une des professions les plus détestées de France de porter sa parole ? Le choix du nouveau ou de la nouvelle porte-parole méritera l'attention sur ce point.

Par conséquent, sur toutes ces courses, il est possible de constater qu'une accélération du rythme de la présidentielle est manifestement intervenue.

Sur le fond, la guerre du mouvement est désormais à l'extérieur du Gouvernement. C'est peut-être par ce transfert que la faiblesse du Gouvernement s'inscrit dans les décisions des dernières heures ?

Certes, 2012 sera d'abord une bataille des personnalités. Dans le Figaro d'hier, Yann Moix est l'auteur d'un article remarquable sur ce jeu permanent de l'opinion qui aime son président, puis le déteste pour mieux l'aimer pour d'autres raisons …

Mais, dans cette bataille des tempéraments, pour la première fois à ce point, l'audace semble avoir été … le statu quo ; c'est le volet le plus surprenant.

 

Commentaires

Laisser un commentaire