Une nouvelle fois, Grenoble refait la "une" pour un sujet polémique qui suscite des commentaires enflammés. 2010 restera un été meurtrier pour l'image de marque de cette Ville qui se voulait la Capitale de la montagne et des nouvelles technologies et qui se réveille en septembre 2010 comme la capitale des … faits divers.
Cette situation est le résultat de quatre fractures et d'un enterrement.
1ère fracture : le décalage entre la réalité des faits et les commentaires : la Ville de Grenoble n'a pas découvert sa délinquance en avril 2010 (violences en plein centre ville) et elle a encore moins eu la "révélation" en juillet 2010 de la dangerosité de la Villeneuve. C'est une progression ancienne, constante, qui est le fruit de nombreux facteurs et dont il parait probable qu'une forte majorité d'entre eux n'ont pas trouvé de solutions aujourd'hui mieux qu'hier.
2ème fracture : le divorce entre la raison et la fièvre permanente des cibles exposées à la vindicte populaire : Grenoble a une forte et ancienne tradition de qualité de ses institutions du Droit : depuis la formation à l'Université à la qualité de ses Institutions judiciaires en passant par un Barreau de forte réputation objectivement méritée … Tous ces défenseurs du droit travaillent en ayant pour seule préoccupation de servir les principes fondamentaux qui ont motivé leur engagement professionnel. Avant hier, c'était le Préfet qui était relevé de ses fonctions. Hier, c'était les forces de l'ordre classiques qui étaient dénigrées pour ne pas avoir livré assez tôt la bataille du terrain. Aujourd'hui, c'est un Juge qui serait pas assez défenseur de la détention … et demain, ce sera au tour de qui ?
3ème fracture : la faillite morale qui consiste à critiquer de façon outrancière des personnes qui pour la plupart ont d'abord cherché à faire correctement leur travail. Les Juges travaillent au quotidien avec les policiers. Qui peut sérieusement imaginer qu'un Juge puisse ne pas avoir la volonté de protéger des fonctionnaires dont il connait les risques ? Ces mêmes risques sont aussi ceux des Juges car les délinquants en question n'abandonnent pas leurs réactions à la porte du cabinet du Juge. Par conséquent, bon nombre des réactions actuelles ne résistent pas à la moindre minute de réflexion. Mais la nouvelle règle, c'est que tout s'emballe pour résonner et non plus raisonner.
4ème fracture : l'abandon de toute démarche visant d'abord à chercher à comprendre. La vie publique française vit actuellement une crise de nerfs généralisée. Tout n'est qu'invectives, accusations, sanctions, menaces, admonestations … mais dans les mots et sans suite sérieuse dans le temps. C'est la casse généralisée : rien ne trouve plus grâce. Mais alors pourquoi ne pas parler d'abord de la responsabilité politique au sommet de l'Etat ou des collectivités locales car tous les fonctionnaires exposés ne vivent pas dans un univers autogéré ?
Ces fractures conduisent à un enterrement : la quête de sens. Désormais tout se vaut. Les colères présidentielles vont du football à l'institution judiciaire en passant par les conditions de tournage d'un film ou les supposées conditions de "lapidation médiatique" d'un ministre manifestement fâché au moins avec l'historique de ses correspondances. Les médias s'emballent. Il n'y a plus d'espace pour l'explication. Il suffit de croire le "gros titre" sans chercher à comprendre. C'est un climat réellement inquiétant qui traduit une détérioration gravissime du débat démocratique. Pendant combien de temps encore et jusqu'où ?
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