Denis Bonzy

Et si les sondages étaient faux …

La fin de semaine a donné lieu à un début de débat sur la place des sondages dans la vie politique française. Le sondage Ifop – Le Figaro sur les mesures de sécurité a été utilisé comme outil de la relance de la politique présidentielle et comme justification de certaines annonces en la matière.

Cette enquête pose des questions techniques naturelles sur la formulation de certaines questions, la fiabilité du panel en l'espèce …


Autant de données techniques intéressantes au moment où, à la même époque, sur le seul dossier des roms, l'Humanité publiait un sondage CSA apportant des chiffres totalement différents sur les réactions de l'opinion.

Cette situation appelle trois commentaires techniques.

1) Elle confirme que le statut du sondage a évolué. De photographie éphémère de l'opinion, le sondage est devenu un facteur de structuration de l'opinion parce qu'une partie de celle-ci fonde son appréciation à partir des résultats d'un sondage. Les légitimistes suivent les tendances dominantes. D'autres corrigent leur opinion initiale. Le sondage a indiscutablement pris des nouveaux habits depuis sa vulgarisation.

2) Cette situation montre surtout que le sondage a perdu son caractère scientifique initial. Il est devenu un outil du débat. Ce volet apparaît surtout pas tant dans l'analyse des questions posées que par l'observation des questions qui ne sont pas posées ou du moins pas publiées.

L'une des questions les plus incontournables est par exemple celle du vote certain, possible ou exclu. Elle permet d'identifier le spectre des "réservoirs" : question pas publiée en ce moment.

De même il est étonnant que le second tour de la présidentielle soit aussi absent actuellement. Faut-il en déduire que la défaite systématique de Nicolas Sarkozy dans les actuelles enquêtes impacterait significativement le premier tour avec le choix d'un candidat plus compétitif pour le second tour ?

3) Cette instrumentalisation des enquêtes s'inscrit dans une tendance globale qui est plus préoccupante : les commentaires dominent les faits. Il y a une généralisation de l'information d'opinion qui intervient dans des conditions inquiétantes parce qu'à quelques exceptions près cet engagement n'est pas reconnu. Il devrait être revendiqué à l'exemple de médias anglo-saxons. Non, en France, en dehors de quelques médias dits "militants", c'est l'affirmation classique de la supposée impartialité.

C'est ce climat qui pose problème. Les sondages ne sont pas faux mais leur crédibilité s'érode. Il n'est pas sûr que la démocratie gagne à ce climat de perte de repères.

Cette instrumentalisation quasi – généralisée isole le citoyen, le place dans un état d'esprit de complot qui est dangereux. Tout ne peut pas se valoir. Les faits devraient demeurer des socles intouchables. A chacun ensuite de les commenter dans la plus totale liberté. Une démocratie sans vérité reste-t-elle encore une démocratie ?

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