Denis Bonzy

UMP 38 : les chasseurs et l’erreur du menuisier

Question 5 : à quoi tient la poussée d'Europe Ecologie ?

Les enquêtes montrent que la poussée globale d'Europe Ecologie tient à trois facteurs.

Tout d'abord, sociologiquement, cette formation recueille désormais beaucoup de cadres et d'employés. C'est le vote protestataire chic. Le succès d'Europe Ecologie réside dans le fait de dépasser le fonds culturel initial des Verts. La première qualité reconnue à cette formation est maintenant l'innovation davantage que la seule protection de la nature.

Or, second point positif, l'innovation est perçue comme incontournable dans une société reconnue comme trop bloquée.

Enfin, Cohn-Bendit est "hors système". Il casse les codes du "politiquement correct". C'est la locomotive qui crée un nouvel espace.

Ce qui est le plus étonnant c'est que la majorité présidentielle n'ait pas cherché nationalement à faire vivre une sensibilité écologiste "modérée" dans la foulée du Grenelle de l'environnement. Il n'y a en effet aucune raison intiale pour considérer que l'écologie serait automatiquement de gauche.

Question 6 : l'alternance devient-elle dans l'agglomération grenobloise entre le PS et Europe Ecologie ?

Si l'UMP ne se désenclave pas rapidement, elle perd non seulement un seuil de base critique qui lui assure la crédibilité pour accéder au pouvoir mais surtout elle s'aliène une part sociologique qui est sur-représentée à Grenoble. Dans ces conditions, ce double handicap, s'il devait s'installer, la marginaliserait probablement encore durablement.

La part importante de l'opinion indécise se fixe sur les partis de "pouvoir". Si le climat local se cristallise sur une rivalité PS / Europe Ecologie, la chute électorale de l'UMP devrait se continuer parce que le vote UMP sortirait de la zone des "votes utiles" pour choisir le pouvoir local.

Question 7 : comment sortir de cette spirale ?

L'UMP 38 doit retrouver deux qualités. D'une part, sortir des querelles de personnes pour évoluer sur des enjeux de projets qui font bouger les "lignes". Elle doit donc retrouver des initiatives qui changent son actuel ADN local. D'autre part, elle doit  accepter la diversité. C'est peut-être ce dernier volet qui parait le plus difficile tant les réactions d'exclusions, d'insultes, de déni des réalités donnent le sentiment de s'ancrer.

Question 8 : l'UMP 38 ne va-t-elle pas vivre une étape supplémentaire de fragilisation avec la création en juin 2010 du rassemblement de Dominique de Villepin ?

Je ne le pense pas, bien au contraire. L'initiative de Dominique de Villepin va ouvrir de nouveaux espaces. L'offre politique est localement trop réduite. Si le scrutin des régionales avait permis d'élargir l'offre, le scrutin n'aurait pas eu le même visage.

La présidentialisation de la vie politique française modifie le rôle des partis politiques. Ils s'approchent progressivement de la logique des PAC aux Etats-Unis qui sont des outils de logistique ponctuelle pour un candidat. L'UMP va évoluer vers la logistique en faveur de Nicolas Sarkozy comme le futur rassemblement présenté par DdV sera sa logistique pour la présidentielle 2012.

Dans le climat isérois assez spécifique, cette nouvelle ligne de partage devrait permettre un "recyclage" plus rationnel de composantes qui peinent manifestement à cohabiter dans le calme parce qu'il s'agit fondamentalement de profils conceptuels différents.

La compétition permettra de clarifier positivement les offres, les organisations, les résultats.

Question 9 : le plus dur est-il à venir ?

Là encore, je ne le pense pas. La droite française a toujours été composée de trois familles de pensées qui correspondent à des réalités de tempéraments au-delà des noms de baptêmes ponctuels (il en est de même à gauche d'ailleurs). Il y a une composante d'autorité-efficacité d'inspiration libérale qui aime s'en remettre à un homme providentiel qu'il faut suivre coûte que coûte et malheur à qui cherche à conserver une part de "libre arbitre". C'est ce modèle qui fédère actuellement l'UMP : le culte du succès, les réussites clinquantes, la place de l'apparence au détriment de la spiritualité. Cette place de l'apparence produit des clones à qui on a d'abord envie de dire d'arrêter de "se la jouer" tant le copier-coller avec "le maître" est dépourvu de tout espace de vie propre. C'est un état d'esprit particulier.

Une autre sensibilité est celle de la démocratie chrétienne qui, plus humaniste, moins manichéenne, cherche en permanence à introduire une dimension sociale. Pour des raisons de carrière personnelle et d'opposition au tempérament même de l'actuel Chef d'Etat, François Bayrou a éloigné cette sensibilité de l'actuelle majorité présidentielle. C'est dommage parce que cette sensibilité a une vocation d'équilibre qui est utile à l'intérieur même de la droite.

Puis, il y a une dimension plus populaire qui aujourd'hui passe notamment par la reconnaissance du rôle du citoyen en tant qu'individu libre et indépendant, la défense de cet individu face aux structures les plus puissantes (banques, grande distribution …), la place de la PME dans la vie économique (très délaissée par l'actuel pouvoir qui a le culte des firmes), la redéfinition des conditions de protection des plus démunis pour offrir en permanence des nouvelles chances… C'est cette sensibilité là qu'incarne Dominique de Villepin. 

Il doit y avoir place pour la présentation de chaque offre lors du scrutin présidentiel qui structure tout le calendrier politique dans un espace temps réduit à 5 ans.

Question 10 : Conclusion ?

Une nouvelle étape s'ouvre.

L'étape qui se termine a été marquée localement par deux caractéristiques.

La première est celle de la théorie du plomb. C'est d'ailleurs un sujet de droit passionnant. 8 chasseurs tirent en même temps. Un promeneur est blessé. Comment identifier le plomb qui a suscité la blessure donc la responsabilité du tireur ? Le tir collectif groupé déresponsabilise. C'est la situation de l'UMP 38. Ils tirent groupés et, déresponsabilisés par le collectif, en remettent une seconde salve, puis une troisième… Au bout d'un moment, la spirale du collectif emporte tous les tireurs qui ont ouvert un champ de massacre. C'est le score du 21 mars.

Puis, seconde comparaison, quand il faut rendre compte du massacre, succède la théorie du menuisier. Il y a un architecte qui devait veiller aux grands équilibres. Ils n'ont pas été atteints. Mais, c'est alors la faute du menuisier lâché en pâture comme bouc-émissaire. 

Dans l'Isère, les chasseurs ont été nombreux. Ils sont connus. Le massacre est consommé depuis le 21mars au soir. Mais ils ne sont pas encore passés à l'étape du menuisier. Cela ne devrait plus tarder. C'est une étape qui méritera l'attention : qui acceptera d'épargner l'architecte et pour quel menuisier ?

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