Ma première prise de contacts avec Didier Migaud date de mars 1985. Nous venions alors de remporter les élections cantonales et comme directeur de campagne il me revenait d'organiser avec lui la transition. Une transition qui s'est déroulée dans la plus grande courtoisie des deux côtés en respectant les considérations humaines dans de tels moments toujours délicats.
De 1986 à 2001, même si nos ancrages politiques étaient différents, les relations ont toujours été cordiales, efficaces, de qualité. Après 2001, ayant arrêté la politique, les contacts furent rares mais toujours courtois.
Sa nomination à la Cour des Comptes est, pour lui, une responsabilité nouvelle méritée qu'il assumera avec déontologie.
En revanche, les conditions de désignation par Nicolas Sarkozy me confortent dans ma "réserve" sur la politique mise en oeuvre par le Président de la République que je juge mauvaise pour la pays et surtout si éloignée des valeurs qui me tiennent à coeur.
1) Nicolas Sarkozy mène systématiquement des nominations qui envoient aux poubelles la promotion interne. Quel est donc ce pays qui passe comme message à des cadres supérieurs de ses plus belles entreprises ou des plus grands organismes publics que le poste de n° 1 reviendra à quelqu'un d'extérieur ? France Télécom, Banques, Cour des Comptes … : pas un cadre supérieur de ces établissements n'avait la qualité pour assumer la responsabilité suprême. Il faut donc systématiquement aller chercher en dehors de l'entreprise le principal dirigeant ?
2) Ce principal dirigeant peut être parachuté à la présidence mais quand même connaître l'entreprise en question. Seguin avait choisi la Cour des Comptes à la sortie de l'ENA. Pour France Télécom, Richard vient de … l'immobilier. Pour la Cour des Comptes, Didier Migaud est "hors corps administratif". Sur le fond, c'est une étape de plus dans l'émnacipation face à des règles de motivation des personnels qui ont bâti une carrière, passé des concours …
3) Avec le recul, nomination faite, on apprend que les deux hommes se qualifiaient "d'amis". Là aussi, à titre personnel, je suis ulcéré par cette presse qui nous informe toujours … après. La présidentielle 2007 se fait dans l'ambiance de couples "très unis" : Sarkozy et son épouse sont réconciliés tandis que le couple Hollande-Royal lit cool les bandes dessinées sur un zodiac. En réalité, on apprendra que dans les deux cas les "ponts étaient totalement coupés". Mais on apprendra … après le vote. Et après on s'étonne que la presse soit malade en France. Dans de telles conditions, bon nombre de lecteurs ont le sentiment d'être toujours pris pour des abrutis.
4) La presse indique que le Président aurait nommé Didier Migaud parce qu'il avait été un "président compréhensif" à la tête de la commission des Finances notamment lors des auditions de Tapie et de Lagardère (affaire EADS). Cet argument est pour moi le plus intolérable. Le Président de la commission des Finances avait pour fonction d'être un contre-pouvoir et il est nommé parce qu'il l'aurait été de façon "modérée". Quel est donc ce pouvoir qui n'en accepte aucun autre ? Pour le citoyen que je suis j'aurais eu plaisir à voir nommer une personnalité récompensée pour ses critiques, pour ses investigations, pour ses exigences. Cela m'aurait rassuré sur la qualité de l'équilibre du pouvoir dans notre démocratie.
5) Didier Migaud était manifestement attaché à ses "racines locales". Pourquoi les quitter aussi brutalement et en pleine crise économique ? Parce qu'il a "fait le tour" du pouvoir local et qu'il est attiré par de nouvelles perspectives. Là aussi, quel terrible échec pour la politique présidentielle : des collectivités locales asphyxiées et une réforme qui donne le sentiment que demain sera encore pire. Les talents locaux quittent donc les collectivités locales. Le salut serait donc dans le retour sur Paris pour assumer des responsabilités dignes de ce nom. C'est la réalité du moment dès que l'on rencontre des parlementaires épuisés d'être des "assistantes sociales" sans vrai pouvoir sur les grands dossiers.
6) Pour organiser la succession, l'UMP, parti de la "réforme présidentielle", pourrait faire vivre la "démocratie moderne" : transparence d'appel à candidatures, débats publics entre les candidats, votes sur des bases claires et saines. Loin de tout cela, même pour des régionales, les militants n'ont même pas été consultés. Pour des législatives, il leur restera juste la tâche … de coller les affiches et distribuer des tracts. Est-ce là les partis politiques modernes à la Française ? Tâches d'ailleurs non remplies pour les régionales à 14 jours du premier tour : pas d'affiche, pas de tract.
7) Pour la campagne qui s'annonce comme pour les régionales, où sont les projets ? La politique française ne tourne désormais qu'autour d'un projet : la personnalité même de Sarkozy. Les Ministres ne s'expriment plus sans des références incessantes au "grand homme". La "grande dame" est mise en scène avec une déférence qui frôle le ridicule quand on examine le contenu de ses déclarations. C'est le nouvel obscurantisme. La caporalisation se généralise. Les dossiers de fond ne sont pas ouverts et deviennent encore plus difficiles à être réglés. Les annonces emportent les principes. Les principes deviennent sans valeur.
Voilà les questions de fond que cette décision présidentielle me pose et qui ne concerne en aucune manière la personnalité même du bénéficiaire qui mérite, en l'espèce, une telle évolution.
Ce sont des questions de ce type qui font que depuis l'entrée en fonction de Nicolas Sarkozy, je n'aime pas la Présidence qu'il incarne. Sa personnalité m'irrite. Ses partisans m'inquiètent quand je vois ce qu'ils acceptent de cautionner. Des responsables locaux me choquent quand je constate qu'ils reproduisent certains travers de façon caricaturale ouvrant des doutes gigantesques sur l'existence même de leur personnalité .
A 14 jours des régionales, il serait temps que d'autres messages passent. Car en l'absence de tels messages clairs, c'est le devoir de tout citoyen que de faire appel à son bulletin de vote pour indiquer qu'il n'accepte plus d'être associé à de tels "représentants". Ce devoir là me parait s'imposer chaque jour avec une force croissante pour ce qui me concerne.
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