Denis Bonzy

Un système de pouvoirs à bout de souffle

A près d'un mois des régionales, un chiffre passe quasiment inaperçu : 54 % de participation estimée à ce jour. Pour une élection locale majeure, près d'un citoyen sur deux pourrait ne pas voter. Ce chiffre montre l'ampleur de l'actuelle crise de la démocratie. Comment comprendre ce chiffre ?

1) Une fois de plus, le vote va intervenir sans débat préalable. Voter sans débat public préalable c'est accepter de décider sans connaître les éléments du choix. Progressivement, la vie publique Française tourne avec des votes sans campagne digne de ce nom comme si voter n'était qu'une étape administrative.

2) Quand il y a débat dans un cadre national, c'est le règne des contradictions sans conséquence. Ce matin sur Europe 1, FOG (Franz Olivier Giesbert) commente le sondage paru dans Mariane donnant DSK gagnant contre Sarkozy (52/48). Il explique que tous ceux qui ont été donnés gagnants deux ans avant l'élection ont perdu lors de l'élection. La semaine dernière, le même FOG commentant Clearstream prenait appui sur des sondages donnant gagnant Sarkozy pour indiquer que Villepin n'avait aucune chance en dehors d'un pouvoir de nuisance. Quand le croire : le 6 février ou quand il défendait le contraire le 31 janvier ?

3) La vie publique est totalement cadenacée. Il y a 10 ans (novembre 2000) décédait J Chaban Delmas, le dénonciateur de la société bloquée. Mais 40 ans après son discours, la société n'est plus bloquée mais totalement cadenacée. Les listes régionales ont été décidées dans des conditions indignes d'une démocratie. Ceux qui acceptent de cautionner de telles méthodes manifestent un niveau de soumission à des disciplines partisanes ou un degré de dépendance qui ne peuvent qu'inquiéter. Les candidats désignés ne sont pas élus par des militants mais casés par des notables nationaux. Le scrutin a été modifié dans des conditions excluant toute liste départementale ; ce qui favorise d'ailleurs l'indignité des sélections partisanes nationales. Si la perspective de listes dissidentes avait existé, bon nombre de comportements n'auraient pas été possibles. C'est d'ailleurs un terrible échec pour la majorité présidentielle que de ne pas avoir réformé cette logique régionale. Elle met son électorat qui veut passer un message d'alerte devant l'alternative de l'abstention ou de voter pour un parti concurrent …

4) L'affairisme parait généralisé. Depuis les conditions d'interventions d'un étalissement public financier jusqu'au tour de table de privatisation d'une régie publicitaire nationale … tout semble en "coupe réglée".

5) La justice est "indépendante" mais tellement contradictoire. Quand Bové brûle un McDo (bien privé), il est envoyé en prison et quand les Conti brûlent une sous-préfecture (bien public symbole de la République), ils ont des … amendes symboliques. Où est la logique de cette "égalité pénale" ?

6) Des ministres conduisent des listes aux régionales et bon nombre d'entre eux seront battus sans conséquence pour leurs responsabilités ministérielles. Ces décideurs ont exclu des listes régionales des personnes battues lors des élections locales de 2008 mais ne s'appliquent pas cette règle à eux-mêmes en mars 2010. Depuis 1992, date de la conduite d'une liste indépendante aux régionales, je n'ai jamais sollicité une élection dans ce scrutin. Je m'exprime donc avec le plus total désintéressement. En Isère pour bien connaître ce département, il y a des personnes écartées des places éligibles dans des conditions graves sur le plan des principes mais tellement injustes sur le plan des qualités humaines ou militantes. Où est le contenu pratique du "système du mérite", grand objectif national ?

La liste serait longue de contradictions, d'injustices, de fautes d'un système de pouvoirs qui est manifestement à bout de souffle.

Comment tout cela finira-t-il ? A titre personnel, je l'ignore tant je découvre un niveau de soumission collective que je n'avais jamais imaginé par le passé.

Une autre vie publique est manifestement née très différente de celle qui existait il y a deux ou trois décennies. Dans cette nouvelle vie publique, il n'y a plus de limite. Mais cette absence de limite concerne surtout l'irrespect du citoyen. Comme ce dernier semble facilement accepter cette situation, un cycle pervers est né. Jusqu'où ? Jusqu'à quand ? 

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